28 mars, 2007
Emotion parisienne à la Gare du Nord: défoulement et contestation
La Gare du nord est un lieu de passage, un territoire international ou les gens se croisent, se mélagent et parfois s'affrontent. Depuis le 11 septembre et le développement du plan vigipirate, les militaires patrouillent le fusil-mitrailleur à la main par groupes de deux où trois, ils se montrent et l'Etat se met en scène. Par leur présence, et la façon dont cette présence se concrétise, ils ne peuvent pas dissiper un sentiment d'insécurité, au contraire ils l'assument, l'incarne, le rendent perceptible par tous, comme cette forteresse napolitaines, perchées sur un promontoir, qui menace la ville en contre bas. La vraie sécurité est celle dont on ne voit pas les tenants, dès lors que ces derniers sont perceptibles, ils sont générateurs de tensions, par le fait même qu'ils nous rappellent par leur présence la précarité du monde. Militiaires, CRS ou policiers qui pratouillent ostensiblement sont créateurs de troubles sociaux, effrayant les uns pour rassurer les autres, divisant la société sur l'acceptation ou la réfutétion de cette onstensibilité, violente en elle-même, du fait des armes et de la "force virile" - quand bien même elle est dite légitime - qui est suggérée.
Hier soir, Gare du Nord, un homme qui fraudait un guichet de métro c'est fait interpeler par une patrouille de CRS, parce qu'il aurait bousculé l'agent RATP qui voulait le verbaliser. L'interpélation n'a été contestée par personne, mais sa spectacularité, ou du moins la violence qui s'en est dégagée a mis à nu, aux yeux des passants, la réalité de la précarité sur laquelle leur sécurité repose, la mercie à la quelle ils sont à l'égard des forces de police. Bien entendu, certaines "populations", comme ont dit, plus que d'autres, y ont été sensible, certaines pour y avoir été victimes, d'autres par peur de l'être. Ils ont pris le parti de l'homme interpelé, ont répondu à la violence de la menace policière si pesante sur la Gare du Nord, par une menace physique, directe, de défoulement mais aussi d'une certaine manière de contestation de cette présence, de refus de la tension que représentent ces forces dites de l'ordre.
Les injures des manifestants ont bien sur revêtu un couvert politique, insultant Sarkoczy d'enculé, dénonçant la part diminuante de justice à mesure que celle de la police croît... Bien entendu Julien Dray s'est empressé de dénoncer l'échec du système Sarkozy, d'accuser Barouin d'opportunisme au moment même où il prend ses fonctions... Mais regardons au delà du politique, la réalité des logiques qui soutendent cette "émotion". Il y a un an, j'évoquais la rupture du pacte social au moment des événements de Clichy. Ce pacte n'a jamais été reconclu. La soumission n'entraine pas l'adhésion, et il n'y a pas d'adhésion sans intérêt objectif à adhérer. Quel intérêt avons nous à adhérer à ce modèle social? Quel intérêt avons nous à négocier notre liberté au profit d'un sécuritarisme violent, qui nous agresse d'une tension, qui parfois explose, clive la société et finit en règlement de compte? Nous n'en sommes plus à la dénonciation morale d'une "racaille". C'est tout un modèle de société qu'il faut réformer. Une société qui présente la police comme forme de réussite sociale est inacceptable, car elle induit la mise à mort de l'esprit critique, l'éloge de la médiocrité, et la soumission comme sociabilité.
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3 commentaires:
mon cher papageno, loin de moi de critiquer ton analyse pertinente sur la comparaison avec les émotions d'autrefois. cependant, je trouve qu'on ne prend pas assez en compte ceux qui sont pris entre deux feux, entre deux formes de violence: les gens qui empruntent quotidiennement les transports pour travailler, en gros mener une vie normale et honête. Mener une bataille rangée contre les "forces de l'ordre" parce qu'on estime (hâtivement cela va de soi car comment réagir raisonnablement sous le coup de l'émotion?) peut s'expliquer (sans se justifier), mais s'en prendre aux commerces? Evidemment, c'est une forme de détournement de la violence: ne pouvant dominer la police, on s'en prend a plus faible que soi. Je trouve qu'a trop stigmatiser la police, qui, certes, n'est pas un modèle de vertu, on banalise et on pousse les gens a douter de ces bavures. or ici, il apparait que cette personne resquillait et s'en est prise aux contrôleurs (en plus d'un passif chargé). je peux très bien m'être laissé berné comme bcp par les médias mais je trouve que le risque de conflit ne vient pas de la police ou leurs "adversaires" mais de cette population anonyme, honête mais qui est exaspérée, réellement par toutes les incivilités commises. un premier avertissement (terrible et irraisonnable bien sur) s'est produit un 21 avril. attention au 22.
cependant, cela ressemble effectiment a une émotion de type d'ancien régime: pour un évènement apparamment anodin (mais symbolique d'une tension sociale), une masse se soulève de façon spontanée et se comporte irrationnellement comme en 1649 a Paris après l'arrestation d'un parlementaire frondeur (Broussel pour les incultes).
Et, pour qui le papageno va-t-il voter?
Je pense que la violence est une forme de régulation sociale comme une autre, au même titre que la justice, et quelque soient les jugements moraux que l'on porte dessus, ce qui ne signifie pas que je l'accepte. je veux juste la comprendre, et s'il y a violence, il y a une cause à celle-ci, qui résulte d'un malaise social.
Je ne fustige pas la police, je fustige son utilisation, le fait qu'elle est mise en scène et que son exhibition crée en lui-même un climat tendu.
Je n'ai pas parlé de bavure. J'ai juste évoqué le fait que cette présence était ressentie comme pensante par beaucoup, et j'en fais parti, que ce poids fais naitre en nous un sentiment d'insécurité à l'égard du respect de nos droits, et dans l'arrestation musclée de cet homme, les individus ont ressenti à tort ou à raison cette insécurité, et que leur protestation est une réponse à cette émotion.
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