31 octobre, 2006

Recyclagenades: Parlement et histoire

Le débat sur le projet de loi visant à pénaliser toute contestation du génocide arménien m'invite à republier ici un texte que j'avais édité sur mon blog précédent.

publié le 6 février 2006

Fadi m'apprend que les plaintes déposées en pénal contre Olivier Pétré-Grenouilleau ont été retirées et nous ne pouvons que nous en féliciter. Sans doute ses accusateurs se sont ils rendu compte que celles-ci ne déboucheraient à rien d'autre qu'un non-lieu. Pour rappeler les faits, Olivier Pétré-Grenouilleau a publier dernièrement un livre des plus brillants sur Les traites négrières, dans lequel l'auteur, en vertu de sa position d'historien, faisait preuve et revendiquait une neutralité scientifique qui n'est pas vraiement de bon ton aujourd'hui, refusant notamment de traiter la question de la traite occidentale du point de vue de la moralité et de condamner ce qu'y n'est aux yeux de l'historien qu'un fait à analyser.
Le retrait de cette plainte est déja un pas en avant dans le débat qui court depuis le mois dernier sur la question de la place de l'histoire en politique et sur le rôle des parlementaires à son égard. Le Parlement peut-il écrire l'histoire? De nombreux historiens se sont prononcés à ce sujet de Jean-Jacques Becker à Jean-Pierre Azéma en passant par Elisabeth Badinter afin de dénoncer ce qui constitue une entrave à leur liberté intellectuelle, à savoir la loi instituant comme vérité officielle les aspect positifs de la présence française outre mer. Plusieurs remarques s'imposent.
La première porte sur le contenu de cette affirmation qui présupose l'établissement préalable d'un bilan, or comme le fait remarquer Jacques Marseille, l'idée d'un bilan est incompatible avec l'histoire, car il est forcément arbitraire et partiel, d'autant plus que des données immatérielles, telle la culture, sont dificilement quantifiables et donc appréciables dans cette optique.
La seconde porte sur les conséquencs que cette loi de circonstance stipule, à savoir que les parlementaires décrètent une histoire officielle. Outre que la quasi totalité d'entre eux n'ait aucune compétence intellectuelle en la matière, ils empèchent ainsi toute remise en cause formelle d'une histoire toujours en débat et d'une vérité que tout histoirien sait suceptible d'être ajustée par le traitement de nouvelles sources ou la réinterprétation des anciennes.
Que le parlement statue sur l'antisémitisme, le racisme ou la xénophobie est une chose, qu'il impose par des lois de circonstance une "vérité officielle" en est une autre. Aussi ces historiens demandent jusqu'à revoir la loi sur le négationisme qui participe par l'interdit à la constitution de cette vérité historique officielle. Tout passé peut être repensé et tout histoirien doit pouvoir le faire dans la mesure de la critique de ses pairs.
Il ne faut pas confondre mémoire et histoire, comme le fait si désinvoltement Arnaud Klarsfeld. La mémoire est une chose construite et circonstantielle, utilisée par le politique pour souder la nation autour d'un passé présenté comme commun. L'histoire est une science dont le but est d'accéder à la vérité, quelque soit le contexte dans lequel elle s'exécute.

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