Affichage des articles dont le libellé est histoire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est histoire. Afficher tous les articles

20 octobre, 2007

Henri Guaino, cet homme qui parle d'histoire...

Ce matin, un ami à attiré mon intention sur quelques déclarations d'Henri Guaino, conseiller de Nicolas Sarkozy, lequel conseiller peste contre ces profs qui refuse de lire la lettre de Guy Môquet en classe de seconde. L'argument employé par Guaino est assez simple et étonnat:"Je ne comprends pas, l'école, ce n'est pas un self-service. Le gouvernement a décidé que c'était un document intéressant. Il demande aux professeurs de le lire". Le gouvernement décide, ses fonctionnaires s'exécutent. Voilà le fonctionnement normal d'un Etat. Certes, mais quelle légitimité a Henri Guaino de traiter en matière d'histoire, de décider de ce qui est interressant ou non, surtout après l'affligeant discours de Dakar sorti de sa plume et prononcé par Nicolas Sarkozy. Pour Henri Guaino, la contestation de son choix "amène à s'interroger sur ce que doivent être au fond à la fois l'éthique et les devoirs d'un professeur dont la nation a payé des études, dont la nation paie le salaire et auquel la nation confie ses enfants".

L'éthique d'un professeur est d'agir selon sa conscience et non selon la volonté de la bourse qui le fait manger. L'éthique d'un profeseur est de donner à ses élèves les moyens de penser par eux-mêmes, de ne pas prendre pour incontestable ce qui est dit et écrit. L'éthique d'un professeur est de ne pas se limiter à ses intérêts individuels mais d'agir en accord avec ce qu'il perçoit de la Vérité, qui donne sens à sa vie et à son enseignement, et si celà doit passer par le non respect d'une directive ou d'un programme, cela ne doit pas être un problème sauf à vouloir justement signifier que son éthique ne vaut rien. La vertu est d'être en accord avec l'éthique et la Vérité, non avec la loi.

Les déclarations ignares de Guaino et de son porte-parole Nicolas Sarkozy en matière d'histoire rend plus urgent encore la nécessité de protéger la science du politique et de la tentation du politique de légiférer en matière d'histoire, des parlementaires de s'octroyer le droit et surtout la compétence de pouvoir dire ce qui est vrai et ne l'est pas, d'empêcher le débat en figeant la réalité officielle par la loi, de réduire l'histoire au préjugé mémoriel. Que Guaino se permette de trouver interessant pour des cours d'histoire un document plutot qu'un autre, revient à autoriser le politique à choisir les sources des historiens et demain les thèmes et le sens de leur recherche. Faut-il encore rappeler que Guaino n'a aucune légitimité démocratique pour s'exprimer en tant que représentant de l'Etat?

04 juillet, 2007

Mise en ligne du "Papageno - Histoire"

Le Papageno se diversifie, et les billets d'histoire se trouvent désormais disponible sur un blog à part entière: Le Papageno - Histoire. Ce petit blog appuyé par mes travaux de prof et de doctorant à pour but de rendre publics des débats d'historiens souvent très intéressant pour notre société, de rendre compte d'une actualité de la recherche et de présenter une partie de mes travaux et de ceux que j'apprécie. Le Papageno - Histoire veut aussi ouvrir un dialogue entre la science que constitue l'histoire et notre société, qu'elle met en perspective, permet de comprendre et d'y évoluer. Un de mes pairs disait un jour lorsqu'on lui demandait à quoi sert l'histoire: "l'histoire ça rend moins con". Je suis bien d'accord avec celà. Alors prenez le reflexe Papageno - Histoire.

25 mai, 2007

Les lendemains de guerre: appel à communication pour un colloque international

Réflexions sur "l'après" de l'Antiquité au monde contemporain : les hommes, l'espace et le récit

Résumé
L'ambition de ce colloque est de lancer une réflexion sur le concept d'après-guerre, appréhendé sur le temps long. Il invite les historiens de toutes périodes, et plus largement les chercheurs en sciences humaines à analyser cet espace-temps riche de mutations et lourd de traumas. Le premier volet de cette réflexion privilégiera les aspects sociaux, culturels, littéraires, mais aussi territoriaux des lendemains de guerre.



Annonce
Appel à communication pour un colloque international

Organisé par l’équipe d’accueil « Civilisations et Identités Culturelles Comparées des Sociétés européennes et occidentales » (EA 2529 CICC) – Université de Cergy-Pontoise


LENDEMAINS DE GUERRE
Réflexions sur « l’après » de l’Antiquité au monde contemporain :
Les hommes, l’espace et le récit


Université de Cergy-Pontoise
9, 10 et 11 octobre 2008

Appel à contribution
Date limite : 15 janvier 2008


Présentation


Depuis la Grande Guerre, la question des « lendemains de guerre » demeure une thématique récurrente, en même temps qu’elle apparaît aux yeux des historiens comme un sujet de réflexion nouveau. Si la voie a naturellement été ouverte par les historiens contemporéanistes, il paraît aujourd’hui déterminant de prolonger cette réflexion sur la longue durée par une approche comparatiste. L’ambition d’un tel colloque entend précisément mettre en lumière les « lendemains de guerre » comme un objet d’histoire à part entière, transposable à l’échelle du temps long.

Si les enjeux politiques, les conditions économiques, la reformulation des relations sociales, l’empreinte de la guerre sur les hommes, sont directement tributaires d’un contexte, des résonances peuvent apparaître entre les différents moments de l’histoire. La guerre, au-delà de toutes ses diversités historiques, a constitué un élément structurel important, parfois omniprésent dans les sociétés dites anciennes ou traditionnelles. Ses conséquences ont fait l’objet d’études ponctuelles, isolées dans des tranches chronologiques spécifiques, sans être réunies dans une analyse globale, qui aurait permis de mesurer le poids de la guerre dans les périodes de l’« après ». Cette Histoire par les hommes, et non par les armes, suivra plusieurs axes de recherche qui, dans un esprit transdisciplinaire, privilégieront les aspects sociaux, culturels, voire anthropologiques, mais aussi territoriaux et littéraires des lendemains de guerre. La liste n’est pas exhaustive, pas davantage que les sources sollicitées.
Les aspects proprement économiques et politiques constitueront un second volet, qui complétera ultérieurement le premier.

La démarche consiste à analyser avant tout les suites de la guerre sur les individus, la société et l’espace, plus qu’à travers l’histoire des institutions et des armes. Elle fera appel non seulement aux historiens des périodes ancienne, médiévale, moderne et contemporaine, mais plus largement aux chercheurs en sciences sociales.

Toutefois, il conviendra d’abord de s’interroger sur le contenu du concept. S’agit-il d’une simple formule commode ? « L’après-guerre » ou les « lendemains de guerre » se limitent-ils à désigner une période de transition indéfinie, le temps d’une simple parenthèse temporelle ? S’ils peuvent revendiquer une identité propre, celle d’un temps distinct à la fois de la guerre et de la paix, il s’agira de fixer les critères qui permettent de délimiter la singularité de cet espace-temps ; comme de s’interroger sur sa nature même : contexte ou processus ?
Au-delà, trois thèmes d’étude peuvent être dégagés.

« Les Hommes », ce thème comprendra plusieurs orientations possibles : le retour des hommes de guerre avec la dialectique réinsertion-désocialisation, les problèmes de la violence et de la délinquance. Il portera également sur la question du retour des prisonniers et celle des déplacements de populations. Ce thème suggère encore l’étude des populations civiles et des héritages de la guerre, en particulier à travers une approche historique des sentiments (euphorie, tristesse, colère, insécurité, haine…). Ce thème associera enfin le rôle des femmes dans les lendemains de guerre, ainsi que la place des morts.

Le second thème « Raconter la guerre » s’attachera à la dimension mémorielle au lendemain des conflits. Ces souvenirs, qui ne se confondent pas avec la mémoire collective, ni la commémoration, se rapportent aux récits individuels du vécu de la guerre. Ils peuvent encore être associés à la douleur et à l’impossibilité de dire la guerre.
Un dernier thème, « L’espace d’après-guerre », retiendra des aspects plus matériels, qui touchent en partie aux sphères de l’économique et du politique, en l’occurrence : la prise en charge des « lieux de guerre » par les hommes, les communautés ou les autorités (réinvestissement de l’espace : espaces désertés, espaces de combats) ; les reconstructions matérielles et la mise en défense du territoire.


Comité d’organisation :

Valérie Toureille
François Pernot

Comité scientifique :
Philippe Contamine (Membre de l’Institut)
Hervé Drévillon (Pr. Poitiers)
Jacques Frémeaux (Pr. Paris IV)
Yann Le Bohec (Pr. Paris IV)
Bertrand Schnerb (Pr. Lille III)
Eric Vial (Pr. Cergy)
Annette Wieviorka (UMR-IRICE Paris I)

Envoi de la proposition de communication :

Texte de 2000 signes maximum (avec coordonnées précises de l’auteur), avant le 15 janvier 2008 à :
Valerie.Toureille@u-cergy.fr
Ou
Francois.Pernot@u-cergy.fr

23 mai, 2007

A vos masques: l'identité n'est pas une chose sacrée


Suite à notre petite discussion sur l'identité, il me semble intéressant de reprendre ici une de mes nouvelles fétiches, publiée dans la "Gazette d'Amsterdam" du 19 août 1783 et datée de Vienne du 13 août de la même année.

"On mande en Bosnie, que trois Femmes avaient été assez heureuses pour se sauver de la Ville de Busim avec deux Filles & un Fils & de se retirer en Hongrie. A leur arrivée, elles déclarèrent que la crainte d’être envoyées par leurs Maris plus loin & dans le cœur de la Turquie les avait décidé à s’enfuir ; qu’étant descendues de Parens Chrétiens, elles désiraient embrasser cette St-Religion ; enfin qu’elles ne doutaient point, que plusieurs autres Femmes, des Hommes mêmes, ne prissent le même parti, lorsque les Hostilités commenceraient. Ces six Personnes, envoyées d’abord à Kostainicza y ont été instruites et baptisées. C’est un cas fort extraordinaire, car aucune Nation ne garde avec tant de soin les Femmes, que les Turcs, c’est ce qui le Prophète Mahomet leur ordonne expressement dans le Koran, par ces mots : O Vrais Croyans, gardez vos Femmes avec soin."

Busim et la Bosnie se trouvent alors sur le territoire ottoman. Les femmes en question sont musulmanes mais filles de parents chrétiens. On sait par ailleurs que la Bosnie est l'une des régions les plus islamisée des Balkans. Plusieurs questions se posent alors. Pourquoi des Chrétiens ont-ils préféré de s'installer dans l'Empire ottoman? Par quel biais leurs enfants ont-ils pu se convertir à l'Islam, sachant que cette conversion n'est pas demandé par le Sultan? Pourquoi enfin repasser de l'autre coté de la frontière et préférer une conversion au crhistianisme plutot qu'un déplacement en Anatolie? On connait aujuourd'hui assez bien l'attraction de l'Empeire ottoman sur les populations hongroises à qui le Sultan offre des terres, une liberté confessionelle et souvent des conditions de vie plus avantageuse qu'au sein de la Maison d'Autriche ce qui explique le départ de nombreuses familles du Royaume de Hongrie vers l'Empire ottoman. On a longtemps cru que les minorités religieuses chrétiennes des Balkans étaient toutes installées avant la conquéte ottomane, or il s'avère très concrètement aujourd'hui que cela est loin de constituer une généralité. Installé en Bosnie ottomane, la conversion des enfants à la religion et à la culture dominantes constitue un biais classique de promotion sociale qui est bien loin d'être perçu comme une trahison. Or la conversion n'implique pas nécessairement le renoncement à un savoir culturel d'origine. Aussi, les femmes musulmanes filles de parents chrétiens peuvent ici traverser le frontière et se faire baptiser, ce qui implique qu'elles ont conservé un savoir et la maitrise des rites catholiques. Ce n'est pas une révélation spirituelle qui pousse ces femmes à cette ultime conversion, mais bien une stratégie identitaire qui leur fait préférer résider de l'autre côté de la frontière, c'est à dire à un endroit qui reste exposé en cas de guerre, plutot qu'à l'abri ailleurs dans l'Empire ottoman. Cela s'explique en partie par la continuité de liens de solidarité entre les familles migrantes et leur communauté d'origine.

Cette nouvelle, comme tant d'autres des grandes gazettes européennes du XVIIIe siècle, nous invite à ne surtout pas sacraliser l'identité, et à la penser comme une véritable stratégie sociale, qui pousse par exemple, en 1781, le grand rabin de Constantinople à se réveiller musulman, du jour au lendemain, et devenir grang "Cadi" de l'Islam en l'espace de 6 mois. L'identité est ici le biais du changement social. Il en est de même pour nous aujourd'hui. Que l'on en soit conscients ou non, nos identités créent des solidarités avec ceux qui la partage. Or ce sont ces solidarités qui nous permettent d'être et d'agir en société. Les identités sont alors aussi relatives que l'ordre social qu'elles fondent et dans lequel elles s'inscrivent. Elles sont définitivement stratégiques, et nous pouvons les mettre en cause. Être français n'est pas une chose sacrée, c'est une chose sociale.

20 mai, 2007

L'identité française aujourd'hui: la fausse route de Sarkozy

Alors que la question de l'identité nationale retrouve une certaine actualité, il me semblait intéressant de faire part ici des travaux de Wolfgang Schmale, historien autrichien de l'Université de Vienne, qui a publié une histoire de France reposant sur une idée neuve, celle que l'identité française s'est construiste par le biais de transferts culturels d'hommes, d'idées et de choses venues d'ailleurs. Aussi, l'Italie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d'Amérique ont depuis la Renaissance influencé notre culture et nous leur avons emprunté des éléments identitaires qui leur étaient propres et que nous avons assimilé comme étant notres. L'intérêt de Wolfgang Schmale est de totalement renverser le processus de création des identités nationales que l'ont a longtemps regardé comme se créant en soi et pour soi, indépendament de l'extérieur. Puisque Wolgang Schamle pose l'autorcritique du regard de l'historien comme un principe fondamental, il serait injuste de ne pas préciser qu'il s'inscrit ici dans une conscience identitaire métissée qu'est celle de l'Autriche, laquelle identité s'est construite par des transferts culturels échangés avec la Bohême, la Hongrie, l'Allemagne, les Blakans, l'Italie ou l'Empire ottoman. Or il s'avère que la démarche de Wolgang Schmale n'est pas des moins pertinentes pour l'histoire de l'identité française, malgré le faible écho qu'elle a reçu ici.

Ces nouvelles perspectives doivent participer au débat contemporain sur l'identité nationale. Si celle-ci se contruit par des transferts avec ses égales, il semble donc bien paradoxal de la faire se refermer sur elle-même et de considérer les échanges avec l'étranger comme des risques à l'égard de cette identité. En effet, si l'identité nationale à un sens aujourd'hui - ce qui est loin d'être évident - celle-ci évolue et se reconstruit grace à des transferts avec l'Afrique comme jadis avec l'Italie ou l'Angleterre. Qui peut contester que le Couscous soit aujourd'hui un plat bien de chez nous? Bien entendu nous ne le faisons pas de la même façon qu'au Maghreb, mais nous le faisons tout de même. C'est cela un transfert culturel: un élément partie d'une culture vers une autre, reçu par cette dermière, transformé et assimilé par elle. Le couscous a-t-il mis en cause notre identité nationale? Non, il la fait évoluer, cart toute identité évolue et n'est jamais la même d'une génération à l'autre. Figer une identité, c'est la tuer.

16 mai, 2007

Guy Moquet et Nicolas Sarkozy: mais quel est l'ennemi?

Nicolas Sarkozy a tenu aujourd'hui à ce que soit lue la lettre d'adieu de Guy Moquet, jeune résistant communiste, fusillé le 22 octobre 1941 à l'âge de 17 ans. Cette lettre devra être lue dans les lycées à l'occasion de chaque rentrée scolaire. Voici sont contenu:

"Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,

"Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable, je ne peux le faire hélas ! J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui je l'escompte sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée.

"Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.

"17 ans et demi, ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine.

"Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon cœur d'enfant. Courage !

"Votre Guy qui vous aime.

"Guy

"Dernières pensées : vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !"

***

On ne peut recevoir qu'à coeur ouvert les mots de ce jeune homme, qui avant d'aujourd'hui, pour beaucoup, n'était peut être qu'une station du métro parisien. Or la mémoire est sellective, et celle de la Nation l'est autant que les mémoires particulières. La lecture de cette lettre s'inscrit dans la suite de la célébration de la victoire le 6 mai sur l'ancienne place de la Révolution, sur la célébration de la mémoire de De Gaule et de Clemenceau. Toutes ces références sont celles d'une France en guerre, elles évoquent le sacrifice, le sueur, le sang et les larmes. Nicolas Sarkozy veut-il nous mobiliser pour un combat? Quel est l'ennemi? Peut-être que toutes ces réfences ne sont utilisées que par stratégie d'efficacité mémorielle, et que leur références communes à un contexte de guerre est anodin. Peut-être, mais au regard du programme et des ambitions (légitimes ou non, là n'est pas la question) du nouveau président on peut aussi s'interroger sur la vilonce des réformes qui arrivent. Et s'il s'agit de préparer et de mobiliser les consciences, il me semble que l'utilisation de cette mémoire est bien dangereuse.

19 avril, 2007

Les hommes de progrès: d'une campagne à l'autre


Cette année a été donné à l'agrégation d'histoire, un sujet sur "les hommes de progrès dans les campagnes européennes de 1830 à1914". Cette notion de progrès est terriblement ambiguë, il est économique dans la modernisation des campagne, social, dans l'intégration des campanges aux nations en formation et politique, dans l'établissement du suffrage universel... Or les hommes de progrès sont parfois aussi les hommes de l'archaïsme, le progrès n'est plus alors cette idée condorcetienne d'une amélioration de l'esprit humain, ni cette idée hegelienne de la fin de l'histoire reconcilliant l'idéal et le réel, mais un simple levier de pouvoir, de domination sur les hommes adapté à un temps nouveau, tel que le comprennent bien le Don Calogero et le Tancredo du Gattopardo de Visconti


Nous nous interrogeons peu dans notre campagne, électorale celle-là, sur ce progrès. La sentiment de la fin de l'histoire domine depuis la fin des débats idéologiques, et depuis 2001, le monde est plutot sur la défensive, le progrès est devenu une idée vieille, remplacé par la préservation de l'acquis. Le progrès condorcetien de l'esprit humain a-t)il d'ailleurs un avenir, si ce n'est un présent? Nous l'avons cru. Il faut le croire encore.


C'est pour cela que je vote pour François Bayrou. Parcequ'il met l'éducation au centre de son ambition, et parceque les gouvernement ont une véritable marge de manoeuvre sur ce domaine, et qu'il ne sert à rien de placer la responsabilité d'un echec entre les mains de l'Europe. Je vote aussi Bayrou par ce qu'il à un programme volontaire pour la recherche, vecteur s'il en est de tout progrès quelque soit la science en question. Parce qu'il propose un budget pour, ainsi que des marches de liberté, et une volonter d'assouplir ses modalités. Je vote aussi pour Bayrou parce que l'Europe est fondamentalement un progrès politique, et que je préfère la pire des Europes à la meilleure des France, et que François Bayrou est celui qui me propose aujourd'hui le meilleur projet d'avenir pour l'Europe.

25 mars, 2007

300: quelques embruns nauséabonds sur les Thermopyles


300 Trailer
envoyé par Film300

300 retrace l'histoire de la bataille des Thermopyles où, en 480 av. J.-C., la cité de Sparte affronta dans un combat à mort l'armée du roi des rois Xerxès. 300, ce sont les trois cent spartiates qui quitèrent leur cité au côté du roi Léonidas et qui se dirigerèrent vers les Thermopyles, défilé naturel entre deux falaises, parfois étroit de 10m., protégeant les flans spartiates et obligeant les Perses à un combat en ligne, finalement réduit à un contre un, malgrè une disproportion d'hommse de 4 à 6 fois plus importante en faveur des Perses. La stratégie des Grecs et leur "profession" de soldat joua en leur faveur et leur permirent de résister jusqu'à la trahision d'un des leurs.


La fresque épique que nous propose Frank Miller est en fait une relecture de l'agogé auquel tout jeune psartiate est astreint pour prouver sa bravoure. En effet, dès l'âge de sept ans, les jeunes garçons sont envoyés hors des murs de la cité, dans la Chôra, symbolisant la barbarie, où ils sont livrés à eux-mêmes et doivent survivre par leur propre moyen. S'ils réussissent, à leur retour dans la cité, symbole de la civilisation, ils intègrent le corps civique et deviennent Spartiates. La bataille des Thermopyles n'est pas seulement un fait historique, mais c'est aussi un mythe à travers lequel la cité de Sparte revit son agogé, envoyant ses enfants au devant des Perses, affronter la barbarie, et la victoire qui doit en résulter apporte la liberté à la cité et voit triompher la civilisation.


Cette lecture, qui est sans doute celle de la bd dont le film est extrait, est cependant plus ambiguë dans le film, en raison du contexte dans lequel il est produit. Les citoyens soldats de Sparte mourrant pour la liberté de leur patrie face à une barbarie venue du Moyen-Orient, prend une conotation particulière alors que la guerre d'Irak n'en finit plus et que l'Iran - héritière de la civilisation perse... - est stigmatisée par Washington... Une cité où les armes font les hommes, et dont la sureté de la patrie dépend de leur maîtrise dissimule mal l'allégorie d'une certaine Amérique, des valeurs qu'elle se vit défendre et de son IIème amendement... La diabolisation de la Perse comme fanatique et débauchée, à vrai dire, n'est pas neuve, et c'est bien regrétable...


Inverser alorsnotre regard. On verrait des Perses venir venger leur ambassadeur massacré à Sparte par l'orgueil Léonidas, et combattre pour une juste cause. On verrait encore des Spartiates fanatiques et violents, résistant à une culture aussi puissante que brillante que représente le monde achéménide. On verrait enfin ce laboratoire des cultures, que constitue la Perse triompher d'une cité eugéniste et xénophobe... Mais une lecture de ce genre serait-elle bien raisonnable, ou, pardon, "patriotique"?

Mais attendons la critique avisée de Nij

21 mars, 2007

Etre romain en Afrique: une idée d'avenir pour l'identité?

Les épreuves écrites du Capes d'histoire-géographie, qui se sont déroulées lundi et mardi derniers, ont proposé pour la compisition d'histoire de traiter pour sujet: "Être romain en Afrique de 69 à 439". Parmi les documents accompagnant le sujet, on pouvait notamment lire un extrait de l'Apologie (159-161) d'Apulée évoquant son identité romaine et les origines de la cité de Madaure, en Afrique, dont il est l'un des magistrats.

"Quant à ma patrie, (...) elle était située sur les limites mêmes de la Numidie et de la Gétulie. J'ai déclaré en effet, dans une conférence publique que j'ai faite en présence de Lollianus Avitus (Proconsul d'Afrique), que j'étais demi-numide et demi-gétule. Mais je ne vois pas ce qu'il y a là pour moi de plus déshonorant que pour Cyrus l'Ancien d'avoir été de sang mêlé, demi mède et demi perse. Ce n'est pas au lieu de naissance, mais au caractère de chacun qu'il faut regarder. (...) Cela ne veut pas dire que je gougirais de ma patrie, même si nous étions encore la ville de Syphax. Mais après la défaite de ce prince, la faveur du peuple romain nous fit passer sous la domination du roi Massinissa; plutard notre cite fut fondée à nouveau par l'établissement de vétérans; et nous sommes maintenant une colonie florissante. Dans cette colonie, mon père a occupé le haut rang de duumvir, après avoir passé par tous les honneurs; et sa situation dans la communauté, depuis que je fais partie de la curie, je la conserve sans déchoir, aussi honoré, je l'espère, et aussi considéré".

Être fier d'être romain et de ses origines gétule et numide tout en célébrant cela en grec... voilà le mélange duquel résulte l'identité si particulière qu'est celle d'Apulée. Ecrit au IIe siècle, ce texte est pour nous d'une grande modernité et nous invite à dépasser nos identités communautaires pour n'en regarder qu'au "caractère", d'autre diront à la vertu. Le sang importe peu, le sol aussi finalement, ce qui importe ce sont les qualité individuel qui font la grandeur de celui qui les cultives. Être romain pour Apulé, c'est donc considéré une méritocratie à laquelle il me semble que nous aussi nous avons cru, loin de la discrimination positive et du communautarisme.

Et si l'identité romaine d'Apulée etait un modèle pour la notre?

05 mars, 2007

Dom Juan au regard de l'histoire et de l'anthropologie

" Dom Carlos
Nous nous voyons obligés, mon frère et moi à tenir la campagne pour une de ces fâcheuses affaires qui réduisent les gentilshommes à se sacrifier, eux et leur famille, à la sévérité de leur honneur, puisque enfin le plus doux succès en est toujours funeste, et que, si l'on ne quitte pas la vie, on est contraint de quitter le royaume; et c'est en quoi je trouve la condition d'un gentilhomme malheureuse, de ne pouvoir point s'assurer sur toute la prudence ettoute l'honnêteté de sa conduite, d'être asservi par les lois de l'honneur au dérèglement de la conduite d'autrui, de voir sa vie, son repos et ses biens dépendre de la fantaisie du premier téméraire qui s'avisera de lui faire une de ces injures pour qui un honnête homme doit périr" (Dom Juan, acte III, sc. 3)


Cela fait longtemps qu'un livre d'histoire ne m'avait pas pris comme celui-là, à savoir le dernier essai de Jean-Marie Constant, "La folle liberté des baroques (1600-1661)". Cet essai rélalise l'ambition entre autre, de soumettre la littérature, de la France des Régences du XVIIe siècle et du règne de Louis XIII, à d'autres regards et de "la penser aussi comme un document d'histoire et d'anthropologie qui peut apporter beaucoup sur la comprehension des sociétés". Aussi l'auteur présente un nouveau niveau de lecture du dom Juan de Molière que les études littéraires ignorent souvent. L'oeuvre correspondrait à l'arrivée au pouvoir d'une nouvelle génération politique et Molière aurait réussi à réaliser la synthèse de deux traditions du mythe: "l'Espagne présente un modèle exemplaire de châtiment divin, l'Italie le tourne en bouffonnerie, la france fait la synthèse des deux courrants et y greffe une autre perspective - le portrait typique du grand seigneur baroque du temps".

Dom Juan n'est pas qu'un séducteur c'est aussi un philosophe: "la justification, qu'il donne de son comportement met en cause une des valeurs fondamentales de la société baroque: l'amitié". Il défie non seulement la société mais aussi Dieu, n'estimant n'avoir de compte à rendre qu'à lui seul et qu'il est prêt à "déméleré avec. Dom Juan trangresse à la fois des valeurs sociales et religieuses. Or ces valeurs sont mise en cause au début des années 1660 et Louis XIV met en place ses grandes enquête de noblesse, tentative de remettre en ordre l'aristocratie, si ce n'est la société de son temps. Molière défend en effet la primoté du mérité sur la naissance, parfois même contre son personnage, mais Dom Juan est un noble de son temps, un grand seigneur libertin certes, mais aussi un gentilhomme courageux, qui n'a pas peur de la mort et se trouve honorer de pouvoir perdre la vie au combat. Cet idéal aristocratique est battu en brêche depuis Richelieu et la décapitation de Bouteville qui malgré les interdits a participé à 27 duels, tous victorieux... Et Dom Juan de déclamer que "si l'on ne quitte pas la vie, on est contraint de quitter le royaume" pour continuer à vivre noblement. Dom Juan qui prend plaisir à transgresser toutes les valeurs dela société civile et de la réforme catholique, accepte sans discuter les règles de conduite du gentilhomme. Et face à la mort, Don Juam à l'attitude de son état. Il l'affronte sans crainte.

Je viens à pein de finir le premier châpitre de ce livre pétillant d'intelligence et de subtilités comme le siècle qu'il se propose d'étudier, et je ne vous garantis pas de pouvoir me retenir d'en écrire plus dessus.

03 mars, 2007

La Hongrie ottomane: une histoire muette?

Vous avez pu lire dans les commentaires de mon avant dernier billet un débat controversé sur la question de la "présence" ottomane en Hongrie et plus généralement dans les Balkans. S'agît-il d'une oppression ou d'un simple système de gouvernement comme un autre? La mémoire nationale hongroisie glorifie aujourd'hui, et à raison, le règne de Mathias Corvin mais disqualifie totalement la période qui suis la bataille de Mohacs et la partition de la Hongrie en trois pendant 150 ans. En effet, en 1520, un certain Soliman devient Grand Seigneur à Constantinople, un an plus tard il prend Belgrade, traverse le Danube et marche vers Buda. Le 29 août 1526, à Mohács, l'armée ottomane met en déroute celle du roi de Hongrie, Louis II Jagellon, lequel trébuche pendant sa fuite et se noie dans un ruisseau. Le 11 septembre de la même année, la capitale du royaume est prise. Soliman qui refuse d'assumer ses conquêtes confie dans un premier temps la couronne de Saint-Etienne au voïvode de Transylvanie, Jean Zápolyai. En 1529, les Ottomans mettent même le siège sur Vienne et font trembler la Chrétienté. En 1541, le Royaume de Hongrie est finalement divisé en trois: le Nord (Haute Hongrie, ou actuelle Slovaquie) et l'Ouest sont donnés à Ferdiand 1er de Habsbourg qui devient roi de Hongrie, la Transylvanie devient autonome et vassale de Constantinople et la plaine de Hongrie dont Buda est annexée à l'Empire ottoman et devient le Pachalik de Bude. Il faut attendre l'échec du second siège de Vienne en 1683 et la conquête de la Hongrie par l'Empereur pour que le vieux royaume soit restauré en 1699.


Si pendant cette période on connait bien l'histoire de la Hongrie dite royale et que depuis les traveaux de Béla Kopëczy celle de la Transylvanie nous est révélée, il reste que l'histoire de la partie ottomane de la Hongrie demeure controversée. Pour beaucoup, cette histoire est celle d'une oppression, soumise au Timâr, c'est à dire à l'impôt levé pour nourir l'armée et ses janissaires. D'autres, y voit un pays conquis par le Djihad et la mainmise de l'Islam sur un part de la Chrétienté sacrée. Ajoutons à ce préjugé religieux le préjugé politique qui frappe le Sultan imanquablement de despotisme et l'on comprend qu'il est bien difficile face au consciences contemporaines de réabiliter l'histoire ottomane de la Hongrie. Je ne veux pas compter les points, ni savoir si la domination ottomane fut plus rude que celle des Jagellon ou des Habsbourg. L'historiographie hongroise a même pendant longtemps disqualifié l'époque moderne sous prétexte qu'après Mathias Corvin le pays n'avait été soumis qu'à des despotes étrangers. C'est là bien mal connaître l'histoire moderne que de la penser à travers le prisme du nationalisme. Celui-ci n'est pas opérant.


Voici donc juste quelques faits qui pourront peut-être faire avancer le débat. Il est d'abord intéressant de remarquer quer François 1er était considéré par le futur Philippe II d'Espagne comme aussi tyranique que le Sultan tellement il oppressait ses sujets d'impôts. Si aux yeux de ce futur grand roi les règnes de François 1er et de Soliman sont comparables, force est de constater que leur mémoire aujourd'hui diffèrent. Il est vrai que l'armée est le premier outil de gouvernement du Sultan dans les Balkans et en Hongrie en raison de sa poistion frontière dans l'Empire. Les janissaires sont rétribués par le timâr, c'est à dire un prélèvement en nature sur les récoltes. A vrai dire, les abus sont rarement commis contre les populations, d qui paient le timâr, mais contre les populations frontalières qui subissent régulièrement les raîds ottomans, dont les Croates de Slavonie. Par ailleurs, Il faut relativiser le poids de ce timâr qui pour la Hongrie ne profite pas à plus de 6000 individus... Par ailleurs, la Hongrie ottomane ne connaît pas un déclin économique alors qu'elle a connu de nombreuses crises avant le partage. Si certains aristocrates abandonnent leurs terres pour se réfugier en Hongrie royale, on sait aussi que des paysans de Haute Hongrie viennent s'installer dans le Pachalik de Bude où ils trouvent des conditions favorables au travail de la terre. D'un point de vue religieux, il n'y eu aucune conversion de force, l'Empire ottoman pratique une politique tolérante à l'égard des communautés chrétiennes et juives. Aussi, catholiques, protestants, orthodoxes et juifs ont pu continuer à pratiquer librement leur culte alors que les guerres de religions éclataient partout en Europe. On perçoit même quelques conversions volontaires à l'Islam comme le montre Bartolomé et Lucie Bennassar et des pratiques syncrétiques culturelles nouvelles émergeant de la rencontre avec le monde ottoman. Les Bains turcs ne sont ils pas aujourd'hui une fierté de Budapest?

J'espère que ces brefs éléments suffiront à relativiser le préjugé négatif que l'on peut encore porter sur la politique ottomane en Europe, même s'il est vrai que le nationalisme qui règne aujourd'hui dans les Balkans et en Hongrie rend peut être difficile sa révocation...

28 février, 2007

L'Anatolie des Byzantins



En feuilletant les pages de Bernadette Martin-Hisard sur l'Anatolie et l'Orient byzantin dans Le Monde Byzantin de Jean-Claude Cheynet, je ne suis replongé dans mes photos de voyages et les quelques jours que j'ai passé il y a un an et demi en Cappadoce. J'ai déja eu l'occasion d'écrire ici quelques lignes sur cette région qui parle beaucoup à notre imaginaire contemporain familiarisé aux paysages tataouinesques de George Lukas, mais l'Anatolie centrale entre le Lac Tatta, Césarée et Môkissos était pour les populations byzantines des époques isaurienne et comnène était à la fois un don, un asile et donc un espace de liberté alors que les Turcs ne cessaient de progresser au Proche Orient.


L'actuelle Vallée d'Ucisar est en fait une dépression creusée dans un plateau calcaire par l'érosion et dont le fond est tapissé d'une surface alluviale relativement grâce qui permet une agriculture de subsistance, qui certes ne suffit pas à l'enrichissement des paysans qui la cultivent, mais permet aux familles de vivre convenablement.


La "Vallée de l'amour" symbolisée par les cheminées de fées en forme de phallus, scultée par les humeurs de l'érosion symbolise d'une certaine manière cette relative fertilité, associée par les anciens à la déesse de l'amour... la vallée étant un axe majeur de communication à l'époque hellénistique.


Il n'en est pas moins que le tuf fait ici office d'asile pour les populations fuyant les raids turcs et arabes et offre un refuge troglodyte des plus discrets et doté d'un certain rafinement. Les habitations creusées dans les cheminées ou dans le talus du plateau comportent en effet plusieurs pièces et l'on repère assez facilement que chacune de ces pièces a son utilité propre. La roche est sculptée à l'intérieur de telle sorte qu'elle offre à ses habitants un certain confort "mobilier".


Sans doute la vallée du monastère de Göreme offre l'exemple le plus frappant de ce raffinement à l'exemple de la voute de cette basilique totalement scultée dans la roche et dont les ornements préservés de la lumières sont encore, si ce n'est surtout aujourd'hui, stupéfiants.


La "coupole" ornée de ce Christ bleu sitée dans une chapelle un peu plus en hauteur que la précédente nous donne aussi à penser un art byzantin pictural bien différent des mosaïques de Sainte-Sophie ou des scènes dorées de Saint-Sauveur-in-Chôra à Instabul. Ce raffiment est d'autant plus intéressant qu'il se réalise dans une période de conflits politiques religieux entre l'empire chrétien de Byzance et le royaume seldjoukide.


Grégoire Pakourianos ou Kékauménos nous diraient sans doute que s'il y a un monastère c'est qu'il y a possibilité de s'enrichir dans la région... le monastère n'étant finalement qu'un outil de production comme un autre. Certes, c'est là tout le charme de l'histoire byzantine. Il n'en est pas moins que cette table monacale exprime aussi la réalité d'une vie de contemplation et de prière qui n'est tout de même pas absent de l'idéal monastique byzantin.


Les vallées d'Ucisar et de Göreme seraient alors des refuges de la chrétienté comme laisse le suggèrer au loin ce profil virginal? Il me semble que ce sont avant tout des contre-mondes qui émergent dans un contexte et un espace troublé par la guerre, mais aussi des échanges que toute guerre induit. Ces contre-mondes sont donc paradocalement aussi des marges de liberté à l'égard de la lointaine Constantinople qu'elle soit d'abord byzantine puis ottomane, le Grand Seigneur n'ayant jamais porté atteinte à cet asile Chrétien. Mais un Ottoman, c'est encore un peu un Byzantin, alors tant que l'impôt est payé...

Le tombeau de Tapliot ou la tentative de déicide de James Cameron...

On apprend de New-York et de James Cameron - réalisateur du Titanic - qu'on aurait retrouvé le tombeau du Christ à Tapliot, soit à deux pas du Saint Sépulcre de Jérusalem. Ce genre de découverte est à vrai dire assez courrant et depuis le Moyen-Âge, le dernier tombeau de Jesus ne cesse d'être redécouvert. Toutefois, cette tombe apparaît pour le réalisateur hollywoodien comme particulière. Si l'on en suit les inscriptions, il n'y aurait pas seulement le corps du Christ mais aussi celui de Mary Madeleine et de leur fils, un certain Judas... L'info est est donc croustillante...

Si l'on retrouve le corps du Christ c'est que celui-ci n'aurait pas commit son petit come-back et donc qu'une partie des Evangiles fourvoirait ses lecteurs. Peut importe, ici il faut rappeler que la Résurrection n'est qu'une interprétation du texte, et que celle-ci peut très bien être métaphorique. Par ailleurs, la Bible n'est pas un livre d'Histoire, elle propose un mythe et un sens au monde et, en ce sens, il est vraiment vain de chercher à discerner la part du réel de l'imaginaire. Certes, le fait que Jesus a pu être marié à Marie Madeleine met en cause l'idée du célibat du prêtre semblable à celui du Christ, cependant ce célibat ne s'est imposé que très tardivement dans l'histoire chrétienne et n'est pas auourd'hui imposé aux pasteurs protestants. L'Eglise s'en remettra. Quand à Judas, là encore, peu importe que celui-ci ait été le traitre , le libérateur ou l'enfant - donc peut être la réincarnation... - dans la mesure où cela questionne que des bricolages dogmatiques et non l'interprétation chrétienne du monde.


Bref, que penser de tout ça? Pas grand chose à vrai dire... C'est Cameron qui médiatise l'affaire et non des archéologues ou des historiens. L'affaire fait parler, elle fera sans doute vendre, mais la Chrétienté en a vu d'autres, et cette petite histoire est plutot amusante. Dan Brown va sans doute en faire un livre... Tenez, au fait, est-ce plus grave que cette affaire ébranle la Bible ou le Da Vinci code? C'est avant tout une affaire à la mode après l'édition l'année dernière de l'Evangile dit de Judas, et la Palestine juléo-claudienne a connu bien des Jesus, des Judas et des Marie Madeleine...

21 février, 2007

L'extreme centre: une idée révolutionnaire?

Voici plusieurs blogs et journaux que je consulte et qui évoque cette expression intéressant de "l'extrême centre" pour qualifier la politique de François Bayrou. Beaucoup relève sans doute l'oxymore qui a priori ressort aujourd'hui de la formule, le centre étant perçu comme mou voire inerte. Cependant, l'idée d'extrême centre n'est pas neuve, elle a été employé par l'historiographie de la Révolution Française pour qualifier le groupe des parlementaire qui ont tenu la République de la Convention au Consulat.

Cette extrême centre rassemble les hommes de compétences de la révolution qui manoeuvre la révolution tant bien que mal entre les ambitions particulières des contre-révolutionnaires et celle des ultra-révolutionnaires. Ce sont eux qui obtiennent la République après Varenne, eux qui entoure Condorcet lors du premier projet constitutionnel girondin, eux encore qui font tomber Robespierre alors que celui outrepasse les prérogatives dont il est investit. C'est encore l'extrême centre qui permet au Directoire d'entamer la sortie de la révolution, et l'on sait grâce à Jean-Pierre Jessenne, Bernard Gainot et Pierre Serna, à quel point ce régime fut important, malgré ce que l'on a longtemps cru... certes ce Directoire c'est la "république des girouettes" dont ironise Pierre Serna, mais ces girouettes qui se tournent vers la gauche et vers la droite ont su ainsi garder la Révolution dans ses principes malgré les troubles qu'elle a traversé.

Alors quel sens à l'extrême centre aujourd'hui? Je crois qu'il ne faut pas s'en moquer, que l'idée est intéressante et qu'une certaine manière, elle va bien à la famille politique dont est issu Bayrou comme tout ceux qui on un reste de radicalisme dans leur culture politique. Il ne faut donc pas crainde l'extrême centre comme une vague supercherie, ou une simple ironie disqualifiante, mais l'espérer, espérer ces hommes qui naviguent entre la séduction des Gorgias d'un côté et le vide de la démocratie d'opinion de l'autre pour garder les valeurs fondamentales de la République.

10 février, 2007

La belle libre pensée du XIIIe siècle

Alors que le procès de Charlie Hebdo a été qualifié par certain de "médiéval", Patrick Boucheron réfléchit dans le numéro de février de L'histoire - consacré à "Peut-on parler de tout? Le retour de la censure" - à la liberté de pensée au Moyen-Âge, et rend comme il se doit, ses lettres de noblesse à une période qui lui est chère et qu'il sait si bien enseigner.

L'Université de Paris du XIIIe siècle connaît en effet une sorte de schisme intellectuel entre les tenants de la théologie classique et les nouveaux défenseurs de la l'aristotélisme commenté et connu alors en Europe grâce à un certain Ibn Ruchd, c'est-à-dire Averroès. En 1277, l'évêque de Paris Etienne Tempier promulgue un décret de condamnation des livres défendant les thèses d'Aristote. Mais que l'on ne si trompe pas, la condamnation ne nait pas tant du fait qu'Aristote soit connu en Europe d'un auteur Musulman que parce que les nouveaux aristotélitiens autonomisent la philosophie de la théologie et entendent fonder les dogmes sur la raison et non sur la croyance.



Une telle condamnation dans une période jugée si sombre que le Moyen-Âge ne surprend pas, et pourtant. Force est de constater que, même si la carrière d'un penseur comme Siger de Brabant en est brisée, les thèses aristotélitiennes et les commentaires d'Averroès continuent de se diffuser avant de s'imposer, malgré cette condamnation et les risques pris par les libres penseurs. Loin d'être obscur, le XIIIe siècle a connu de véritables débats intellectuels qui mettaient en cause la façon de voir le monde et de considérer la religion. Les enjeux n'étaient pas des caprices ou de simples spéculations mais impliquaient la vie de chacun et l'avenir de la société. Le Moyen-Âge a permis l'existence de telles controverses et a permis aussi au defenseurs d'une contre-culture de l'emporter finalement.

Alors, vraiment, sommes-nous plus libres aujourd'hui qu'au XIIIe siècle?

05 février, 2007

La mosaique de Virgile à d'Hadrumète: le théatre, un art élitiste chez nos amis les Romains?


Si comédies et tragédies restent pour une minorité d’amateurs cultivés, les divertissements de masse sont pour Tertullien d’un goût très douteux. Ils expriment une « culture du pauvre » diffusée dans les cités africaines. On ne peut toutefois opposer de manière aussi tranchée en Afrique la culture romaines des élites municipales et une culture populaire basique et vidée de tout contenu intellectuel. La mosaïque du Virgile d’Hadrumète montre les passerelles entre les deux mondes. Le poète trône en chevalier vêtu d’une toge angusticlave et tenant dans les mains un volumen de l’Enéide. Il siège en majesté entre deux muses Calliope (la tragédie) et Polymnie (la pantomime). Le commanditaire obéit a deux buts explicites : exhiber une image de Virgile dans une pièce visible de ses clients et ses visiteurs affichant ainsi son statut d’homme cultivé ; perpétuer dans sa demeure le souvenir de sa culture mais aussi de sa générosité.

19 janvier, 2007

Peer polity interaction in the postmodern world?

En me rendant sur le Retrouved Time je suis tombé sur un article de l'auteur portant sur la cérémonie d'hier en hommage aux justes français de la seconde guerre mondiale. L'article qui se termine par un joli trait d'esprit propose un lien vers un article de Lucien Lazare, que je ne qualifirais pas d'historien pour ma part en raison de sa qualité de Membre de la comission pour la désignation des Justes des Nations, ce qui de fait que sa démarche n'est non pas scientifique mais politique. En ce sens l'auteur joue parfaitement son rôle, celui de la construction d'une mémoire sur la Seconde Guerre mondiale construite par Isreal, qui s'impose comme norme et qui conforte la légitimité à la fois morale, religieuse et politique de l'Etat-choisi, donc son influence internationale... Certes je désacralise, tout cela n'est que politique, pardon... il paraît que le monde est désenchanté.

Je veux cependant m'expliquer. Pour cela vous me permettrez une petite disgression démonstrative. En 2003, fut publié dans la très sérieuse revue oxfordienne Past and Present un article de John Ma portant sur le concept de Peer Polity Interaction à l'époque hellénistique, concept que je me suis réapproprié pour d'autres travaux, sous le nom d'interactions paritaires, mais je suis conscient que la traduction est inexacte et je vous invite à me proposer la vote. Cela dit, en 205 avant J.-C. la cité de Xanthos en Asie Mineur reçoit la visites d'ambassadeurs de la cité béotienne de Kyténion, qui au nom d'une filiation mémorielle commune avec Ilion (La Troie d'Homer) réclament aux magistrats de Xanthos une assistance financière pour reconstruire les murs de leur cité détruits suite à un tremblement de terre. Les magistrats de Xanthos se dérobent offrant un banquet aux ambassadeurs de Kyténion au nom de cette filliation commune. Cependant, quelques années plus tard, alors que la cité est ménacée par les vues du roi Antiochos III, Xanthos se sert de sa filliation avec Ilion pour demander à Rome son soutien contre l'ambitieux souverain, Rome étant selon la légende elle aussi héritière de la mythique Ilion... Comment est ce que Xanthos s'y prend pour assumer sa mémoire troienne? Tout simplement en promulgant des décrets en faveur des citoyens d'Ilion et en gravant dans la pierre cette mémoire commune qui de fait rend solidaires ceux qui y adhèrent: Xanthos, Kyténion, Ilion, Rome et bien d'autres...

Vous voyez sans doute ou je veux en venir... en fixant les normes de la mémoire des "justes" Lucien Lazare et derrière lui Israël dont il est l'ambassadeur intellectuel revendiqué créént des solidarités politiques internationales confortant de fait la position géopolitique de l'état hébreu en rendant d'autres états solidaires à lui par le partage d'une mémoire commune. Loin de moi l'idée du complot ou de la manipulation du fantasme de Sion. Je pense seulement qu'il faut aussi voir cela dans la cérémonie d'hier apres-midi.

18 janvier, 2007

Sortir un jour de la Seconde Guerre mondiale

Cet après-midi, à 18h, Jacques Chirac et Dominique de Villepin rendront hommage aux "justes" de la Première Guerre mondiale, qui ont protégé sans autre intérêt que leur éthique et leur sentiment du devoir les juifs menacés par la déportation. Certes ici je trace les traits un peu trop simplement et il serait sans doute plus "juste" de voir dans nos justes des "Monsieur Batignole" ce qui d'une certaine mesure les rendrait bien plus humains que les demi-dieux que la mémoire politique veut nous présenter. Certes le regard de l'historien est souvent décalé lorsqu'il se pose sur ce genre d'évènements, il peut paraître provocateur, hérétique voir négationiste... En même tempsn il ne sert à rien de n'avoir qu'entre nous et entre les murs de la Sorbonne les reflexions qui suivent. Je m'abstiendrai donc de distribuer les bons points de moralité, cela n'est pas mon rôle.

Il est intéressant de se demander quand allons nous enfin sortir de la Seconde Guerre mondiale, quand allons nous cesser de nous commémorer, de régler nos comptes, de reconstruire l'histoire et de nous servir du passé pour gouverner au présent. Il ne faut pas nous y tromper, le XXe siècle ne fut pas pire qu'un autre, et il y eu des justes partout et dans toutes les époques, et ce n'est pas anodin de célébrer les justes de 39-45 plutot que ceux de la Saint-Barthélémy... Histoire, mémoire et politique, les lecteurs de ce blog savent à quel point cette trinité m'agace peut être encore plus qu'une autre... Ayons du moins conscience de ce qui est, que la mémoire est un acte de gouvernement et qu'elle n'a rien à voir avec cette science que l'on appelle histoire... Distribuons les médailles, rédigeons des discours, frappons notre Ethos collectifs de pathoï divers... mais un jour de grâce, sortons de la Seconde Guerre mondiale... nous travaillerons ensuite à sortir du XIXe siècle...

Je suis d'une génération qui n'a pas connu de guerre, et je comprend qu'au regard de tous cela me confère très peu le droit d'en parler... Peut importe, en bon hegelien je considére que l'expérience pollue la pensée et que seul les idées importent. Tout cela pour dire que ma génération n'est en rien redevable ou responsable de ce qu'il s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale, je réfute tout sentiment de responsabilité ou toute gloire, je revendique le droit d'en avoir moralement rien à faire et refuse le concept même de devoir de mémoire. Pour moi, seul importe le devoir d'histoire, c'est à dire celui de comprendre et d'expliquer.

17 janvier, 2007

God save the Queen... of France...?

J'ai reçu hier un mail d'Anne-Sophie attirant mon attention sur un article du Telegraph évoquant l'idée envisagée par Guy Mollet en 1956 de faire de la reine d'Angleterre le chef de l'Etat français... L'article évoque les discussions entre Mollet et Eden, Premier Ministre de Sa Majesté en marge des négociations qui se tiennent autour de la préparation du Traité de Rome. Faut-il s'en étonner?
Les archives du ministère des affaires étrangères sont pleines de ce genre de spéculations inabouties, qui a posteriori nous paraissent farfellues mais qui nous disent en fait beaucoup sur le paysage politique et culturel duquel elles émergent et dans lequel elles prennent sens. Déjà Jean-Baptiste Duroselle avait retrouvé dans les papiers de Jean Monet, daté du 6 juin 1940, soit deux jours avant la capitulation du gouvernement français, adressé au Président du Conseil Daladier, un projet d'union politique de la France et de l'Angleterre. Ce projet supposait en effet la mise en commun des principeaux ministères, la fusion des Parlements et la reconaissance d'une même autorité souveraine... Le gouvernement français retiré à Bordeaux refusa le projet du père de l'Europe mais ce genre de stratégies perdantes n'est pas à négliger. Les archives en sont pleines.
Quant à la souveraineté des rois d'Angleterre sur la France, la chose n'est pas neuve... elle remonte au début du XIVe siècle, à la mort de Louis X le Hutin sans enfant mal et, en 1316, à la revendication de sa soeur, Isabelle de France, fille également de Philippe le bel, reine d'Angleterre, pour son fils Edouard... La crise devient encore plus aiguë en 1328, lors que tous les fils de Philippe le bel, et donc frère d'Isabelle décèdent sans laisser derrière eux d'héritiers, et que la noblesse, pour repousser les prétentions du jeune Edouard III, est contraint de faire appel aux Valois. Nous sommes là à l'origine de la guerre de 100 ans et depuis, tous les souverains anglais portent le titre de roi ou de reine de France qui leur est octroyé à leur couronnement à Westminster.

17 décembre, 2006

Venise, l'Orient et moi...


A l'image de la princesse Europe enlevée par Zeus en Syrie puis déposée sur les côtes grecques, Venise trouve son origine et sa légitimité en Orient où furent dérobés les reliques de Saint Marc avant d'êtré déposées au coeur de la lagune dans la Basilique construite à cet effet (cf. photo, fresque, détail). Venise nait donc d'un rapt, d'une transgression, mais cette transgression est aussi un rite de passage et d'initiation. Toutefois, au temps de sa franchise, Venise n'a pas consummé la rupture avec son orient d'origine avec lequel elle continue d'entrenir à l'époque moderne des relations à la fois tendues et complices...
L'expo consacrée en ce moment à l'Institut du monde arabe à Venise est l'Orient remet au gout du jour une réalité des échanges connu depuyis longtemps mais éclairé par un regard necessairement différent. On connait déja les phénomènes de transferts culturelle, de diffusion des idées, des choses et des hommes d'Orient en Europe et d'Europe en Orient par la porte vénitienne, mais il reste encore à creuser certains phénomènes évoquer dans l'expo mais qui mérite un commantaire.
Dans la partie de l'expo consacrée à "Venise et les Mamelouks" nous avons l'exemple de verreriees commandés par Venise à des verriers du Caire, or le commanditaire fournit le modèle du verre à travailler et ses motifs... Le verre réalisé sera donc un verre d'Orient mais confectionné non pas depuis une tradition orientale mais d'apres ce que les Venitiens estimes êtres un motif propre à l'Orient. De leur côté, les verriers cairiotes se plient à la demande des Vénitiens et donnent de l'Orient l'image attendue par les Européens... En effet, les Orientaux ne sont pas ici passifs à l'encontre de leur image, ils joue des préjugés de l'autre, les renforcent et se les approprie pour justement pouvoir discuter avec cet autre selon ces bases communes. Le rôle des Orientaux dans l'élaboration de l'orientalisme européen demande donc encore à être questionné...