24 mars, 2008

Käsekrainer!


Alors pour tout ceux qui se demandent de quoi il s'agît lorsque je parle de Käsekrainer sur Facebook, voici un peu plus concret: une délicieuse saucisse grillée fourrée au fromage, que je déguste au coin du Graben et de la Stefansplatz avec de la moutarde et des piments doux, un délice. 

22 mars, 2008

Le Caribou et le Chamäleon

Dimanche dernier, à l'Albert-Schultz-Eishalle, à la mi-temps d'un match de Hockey j'ai eu une petite discution sur la relativité de la perception des distances avec des femmes de hockeyeurs québécois en goguette. Puisque je suis aussi prof de géo (si si je vous assure, j'ai un papier qui le dit... heu enfin je sais pas où il est mais il le dit; je sais ça me fait toujours ça à moi aussi) et humilié par des touristes chasseurs de caribous, je me permets de retranscrire grossièrement ici ce qui s'est dit:

- ah mais vous êtes souvent ici, c'est pas loin de Paris
- heu si quand même, c'est 1500 km, c'est assez loin
- loin? mais vous venez comment?
- ben en avion
- et ça vous prend combien de temps?
- heu... je sais pas... 1h30, 2h.
- mais alors je ne comprends pas quand vous dites "loin", c'est un peu comme nous'autres quand on s'rend de Montréal à Québec...


Hmmm certes, que répondre à ça...? Disserter sur la relativité de la perception de l'espace, sur l'effet dévastateur de l'Etat-Nation en Europe qui associe l'étranger au lointain, sur l'étroitesse de nos horizons, enfin bref, comment ne pas avoir l'air bête? Ben on ne peut pas, sauf à faire deux pas de danse en retournant sa veste et lancer:

ah mais vous savez, je suis d'accord avec vous je ne fais que vous dire ce que l'on pense ici...


Bon, ok c'est hypocrite, mais n'empêche qu'ils ont raison, Vienne c'est bien la porte à côté, là-bas pas trop loin de Paris, même si Paris à du mal à concevoir l'existence d'un monde à l'est de l'Elbe... heu du Rhin... heu de la Marne en fait... Sans côté sur le vieux fond d'austrophobie française qui a aussi tendance à creuser les distances dans ce sentiment très très relatif qui nous fait éprouver le proche et le lointain. Traverser une frontière qui n'a rien de naturelle nous confère un sentiment d'exotisme, d'éloignement, les frontières divisent et rassemblent, les traverser est toujours objet d'un rituel. Le Québec n'en connaît pas et 1500 km c'est la porte à coté, on y va pour le week-end, on vit dans l'une des deux villes et travaille dans l'autre. j'ai donc décidé d'assumer mes convictions de faire fi de l'existence des frontières (je ne suis pas à ça près...) et de me comporter en européen européiste qui se doit, en refusant que l'on m'impose un imaginaire état-national (ça existe ça?) qui conditionnerait mon ressenti et mes choix de vie. Pour un type qui se sent chez lui à Paris, Rome ou Istanbul, c'est la moindre des choses, mais sur ce coup, je me suis bien fait avoir...

21 mars, 2008

17 mars, 2008

Petite interview comme on en fait plus

Comme en ce moment je redécouvre un peu Brel par ses interviews, je suis tombé sur celle-ci, parmi d'autres. Je ne suis peut-être pas d'accord sur tout ce qu'il dit, mais c'est agréable autant de profondeur et de complexité.

"La bêtise c'est un type qui vit et qui dit ça me suffit"



et celle-ci aussi finalement

14 mars, 2008

La sensualité de l'historien

Dans les archives viennoises, comme dans toutes les archives, il y a des historiens de toutes sortes, le petit étudiant exaspéré de ne rien trouver, celui qui s'acharne à lire la cursive gothique, le psychopathe à la voix étrange et aux bruits de bouche bizarres, le type en salopette qui fait une pose pour sortir la bouteille de rhum de son casier et puis il y a moi, qui commence à me demander si Pascal Ory n'avait pas raison, si ma thèse est bien faisable tant je découvre de choses et qui à l'époque s'en était sorti par une pirouette et deux pas de danse...

Mais malgré les mines grises, la pluie et les psychopathes, l'histoire est une science sensible, pour ne pas dire sensuelle. Je me suis retrouvé tout à l'heure comme une poule aillant trouvé un couteau devant une liasse scellée d'une ficelle d'une façon dont on n'en fait plus depuis longtemps.
"C'est quoi ce truc? Ca s'ouvre comment? Bon si je tire là ça fait quoi? Heu faut peut etre que je demande à quelqu'un? Non j'aurais l'air trop con. Bon je tire! Zut ça résiste. Oups, j'ai le droit de faire ça?"
J'observe le truc, c'est pas logique. Quel esprit tordu ces administrateurs. Bon je tire encore en espérant qu'un bout de la ficelle moisie ne me reste pas dans les mains,
ah, ça vient, heu non, attend faut encore faire un truc, ça passe par là et par là.
Bref, je mets une demi-heure à défaire un noeud.
Bon j'en ai marre, j'enlève le truc comme je peux. Non déconne pas ça fait parti du jeu. Il faut prendre son temps
, et je m'amuse à comparer celà à une femme que je déshabille, un corset que je délasse ou je ne sais quelle idée tordue.

Ca y est la liasse est libre. Je tourne la couverture de papier. Aphrodisiaque pour historien, une odeur de poussière me monte tout de suite au nez (là je comprends pourquoi certains portent des masques...). Des tas de papiers en vrac devant moi, poisseux (là je comprends pourquoi certains portent des gants...). encore liés par dossiers par cette ficelle "impériale" noir et jaune que j'avais déjà vue d'en d'autre carton. Celle-ci est intacte, au sens propre du terme. Personne n'y a touché depuis que les papiers ont été classés. Les cahiers ont été compressés les uns sur les autres depuis 1765, ils craquent quand on les ouvre. Le sel qui a servi à sécher l'encre est encore là, ainsi que la cire des sceaux dont quelques miettes m'échappent. L'odorat, le touché, le bruit, la vue, tous les sens de l'historien transforment mon dépouillement en un petit jeu sensuel. Un pur moment de plaisir.

Musicagenade: comme une porte pour descendre en haut

Petite insomnie, ça faisait longtemps, en même temps il n'est pas une heure du mat' et demain je ne fais que de la prospection, de toute façon je serai mis à la porte de mes archives à 12h30.

Les puristes me pardonnerons, j'avoue qu'au début j'ai eu un peu de mal avec cette chanson, aujourd'hui que je la trouve tout bonnement magnifique.

Je n'ai pas trouvé de joli clip...


Une guêpe s'envole, se pose, butine
Et l'image cogne à ma rétine
Mais déjà mon regard est loin
Je n'sais plus voir le quotidien

J'aim'rais m'réveiller sans mémoire
Redécouvrir c'que j'peux plus voir
J'ai écrit une petite annonce
Un mois déjà : pas de réponse

Cherche regard neuf sur les choses
Cherche iris qui n'a pas vu la rose
Je veux brûler encore une fois
Au brasier des premières fois

Je veux revoir ma première fleur
L'accompagner jusqu'à c'qu'elle meure
Et découvrir une flaque d'eau
Comme une porte pour descendre en haut

J'irai dimanche à Orly-Sud
Voir le métal s'prendre pour une plume
Ouvrant les doigts, joignant mes pouces
J'verrai mon ombre lui faire la course

Cherche regard neuf sur les choses
Cherche iris qui n'a pas vu la rose
Je veux brûler encore une fois
Au brasier des premières fois

Sentant les sons comme pris au piège
Je devin'rai mes premières neiges
Battant des mains comme un enfant
J'm'entendrai rire "Eh ! C'est tout blanc !"

Je veux poursuivre des nuages noirs
Au grand galop sur les trottoirs
Sous la tourmente, au mur du vent
Les parapluies deviennent vivants

Cherche regard neuf sur les choses
Cherche iris qui n'a pas vu la rose
Je veux brûler encore une fois
Au brasier des premières fois

Mais j'ai croisé sur mon chemin
Deux grands yeux bleus, deux blanches mains
Ses menottes ont pris mes poignets
Et ce sont ses yeux qui m'ont soigné

Des parapluies se sont ouverts
Un grand avion a fendu l'air
A deversé ses doux flocons
Tout était blanc... tout... non

A nos pieds brillait quelque chose
Et mes yeux ont reconnu la rose
Et j'ai brûlé tout contre toi
Au brasier d'une première fois

13 mars, 2008

Nagoya

En ce moment, sur la Kalrsplatz, le Wien Museum nous propose une petite exposition pleine de charme sur Nagoya, son histoire, ses samurais, l'arrivée des marchands, le changement de vision du monde qui s'en suit... Plein de petites choses remarquables à y voir et pour moi le voyage en 1873 des samourai à Vienne et l'infléchissement des oeuvres de Klimt par l'appropriation de thèmes extrême-orientaux. Toutefois, ce voyage n'inaugure pas l'intérêt des Viennois pour le Japon. Des les années 1740, les porcelaines japonaises pénètrent dans les foyers de la bourgeoisie viennoise, dans ceux de l'aristocratie sans parler de Schonbrünn. La prénétration des biens prépare l'arrivée des hommes, infléchit les cultures, les négocient aussi en les acclimatants. Ils rendent possible la rencontre si ce n'est dans un monde commun, au moins dans un monde connu.

10 mars, 2008

Bug caméléonesque

Hier mes identités plurielles étaient en conflit, un peu comme un ordinateur qui ressevrait des informations contraires qui le feraient bugger. Bref j'ai buggé. Comme l'écrit Lahire:

L'acteur pluriel n'est pas forcément un agent double, il a incorporé de multiples répertoires de schèmes d'action qui ne sont pas forcément producteurs de souffrance dans la mesure où ils peuvent soit coexister pacifiquement lorsqu'ils s'expriment dans des contextes sociaux différents et séparés les uns des autres, soit ne conduire qu'à des conflits limités, partiels, dans tel ou tel contexte, dans tel ou tel domaine d'existence (...). Mais s'il y a un dédoublement, s'il n'y a par conséquent qu'un seul conflit central et si ce conflit psychique interne provoque de la souffrance, c'est que la pluralité interne des schèmes d'action a fini par rendre impossible l'illusion identitaire de l'unité de soi et pose un problème à la cohérence psychique de l'acteur.


Bon, ma cohérence psychique... comment dire... tout le monde sait à quoi s'en tenir. Je suis donc sociologiquement fou. La Chamäleonischkeit serait donc un espace de bug en puissance dans la mesure où le Chamäleon prendrait conscience de son état. On ne pourrait donc pas être sainement conscient d'être tout et son contraire. Alors que mes idées étaient encore loin de conceptualiser la Chamäleonischkeit Pierre me demandait comment je réagirais si à un instant "T" je devais choisir entre l'envie d'entrer dans un opéra et celui de manger une Käsekrainer, sachant qu'il est impossible de manger la Käsekrainer dans l'Opera. J'avais alors déjà deviné le bug d'hier se dessiner même si le conflit n'opposait pas une saucisse au fromage avec la Flute enchantée... Comment peut-on avoir l'idée saugrenue d'avoir envie de parler et de se taire à la fois - oui oui il m'arrive de me taire... - de raisonner et d'éprouver, de dire quelque chose d'inutile parce que tout le monde le sait déjà tout en ayant conscience de cette inutilité et surtout du tort que cela pourrait me causer. Ich weisse nicht... mais c'est l'un des nombreux charmes de la Chamäleonischkeit...

09 mars, 2008

Chamäleonischkeit: petite apologie d'un kantien des cafés

Le plus beau compliment que l'on m'ait fait dans ma courte-courte carrière de prof et de chercheur est d'avoir été traité de kantien par Daniel Roche. Il m'avait fait cette remarque (reproche?) lorsque je m'obstinais (je je m'y obstine toujours) à considérer que les choses que nous appréhendions n'ont aucune importance en ce qu'elles soient vraies ou fausses, l'important était qu'elles soient et que de ce fait elles constituent notre paysage social, intellectuel, sentimental... Alors quel regard le kantien des cafés peut il faire de ses dix premières journées viennoises? Y a t'il une vraie et une fausse Vienne, et cela a-t-il vraiment de l'importance? Y'a-t-il un Geist ou tout n'est-il que relatif à notre regard et nos préjugés?

Daniel Roche trouvait rien de plus ennuyeux que les récits de voyage toujours répétitifs, conformés à des règles, à des attendus, l'auteur parfois contraint d'écrire ce que l'on attend à lire de lui. Le voyageur lui-même ne trouve-t-il pas que ce qu'il est venu chercher? Pourquoi partir ici plutôt que là? On préfère la mer ou la montagne. Et celui qui part pour la découverte en elle-même ne néglige-t-il pas ce qui est commun et familier à ce qu'il est et de ce dont il est parti? Peu importe que les récits de voyage soient vrais ou faux, ce sont des productions sociales qui n'ont de sens que dans la société dont elles émergent. Elles proposent une initiation au lecteur à un monde - plus ou moins - lointain, et s'achève toujours pas une épiphanie.

Ayant écrit cela, je n'ai qu'une alternative: soit renoncer à rédiger un récit de voyage conscient des choses agissant sur celui-ci, soit écrire un récit de voyage sur le récit de voyage... Je n'ai pas choisi.

Je découvre donc une autre Vienne que celle que je connaissais, sans doute parce que je suis venu chercher autre chose aussi. Je m'en remets à mon entremetteuse préférée, à son côte "spontan", aux menus d'Einstein, à une Chamäleonischkeit bien à moi, bien à elle aussi. Tout est relatif sauf le fait que tout le soit, donc rien ne l'est finalement. La Chamäleonischkeit n'est pas absurde mais sincère. On nous dit qu'il faut rester soi-même mais, nous, je suis profondément pluriel, parce que tout l'est tout aussi profondément. Le caméléon ne prend pas les couleurs de son milieu pour effacer son identité, mais c'est au contraire son accomplissement que de pouvoir être jaune, magenta ou cyan. On reprochera sans doute de la corruption à cette attitude, mais on se corrompt lorsque l'on cesse d'être juste, pas lorsque l'on change de couleur.