
La Gare du nord est un lieu de passage, un territoire international ou les gens se croisent, se mélagent et parfois s'affrontent. Depuis le 11 septembre et le développement du plan vigipirate, les militaires patrouillent le fusil-mitrailleur à la main par groupes de deux où trois, ils se montrent et l'Etat se met en scène. Par leur présence, et la façon dont cette présence se concrétise, ils ne peuvent pas dissiper un sentiment d'insécurité, au contraire ils l'assument, l'incarne, le rendent perceptible par tous, comme cette forteresse napolitaines, perchées sur un promontoir, qui menace la ville en contre bas. La vraie sécurité est celle dont on ne voit pas les tenants, dès lors que ces derniers sont perceptibles, ils sont générateurs de tensions, par le fait même qu'ils nous rappellent par leur présence la précarité du monde. Militiaires, CRS ou policiers qui pratouillent ostensiblement sont créateurs de troubles sociaux, effrayant les uns pour rassurer les autres, divisant la société sur l'acceptation ou la réfutétion de cette onstensibilité, violente en elle-même, du fait des armes et de la "force virile" - quand bien même elle est dite légitime - qui est suggérée.

Hier soir, Gare du Nord, un homme qui fraudait un guichet de métro c'est fait interpeler par une patrouille de CRS, parce qu'il aurait bousculé l'agent RATP qui voulait le verbaliser. L'interpélation n'a été contestée par personne, mais sa spectacularité, ou du moins la violence qui s'en est dégagée a mis à nu, aux yeux des passants, la réalité de la précarité sur laquelle leur sécurité repose, la mercie à la quelle ils sont à l'égard des forces de police. Bien entendu, certaines "populations", comme ont dit, plus que d'autres, y ont été sensible, certaines pour y avoir été victimes, d'autres par peur de l'être. Ils ont pris le parti de l'homme interpelé, ont répondu à la violence de la menace policière si pesante sur la Gare du Nord, par une menace physique, directe, de défoulement mais aussi d'une certaine manière de contestation de cette présence, de refus de la tension que représentent ces forces dites de l'ordre.

Les injures des manifestants ont bien sur revêtu un couvert politique, insultant Sarkoczy d'enculé, dénonçant la part diminuante de justice à mesure que celle de la police croît... Bien entendu Julien Dray s'est empressé de dénoncer l'échec du système Sarkozy, d'accuser Barouin d'opportunisme au moment même où il prend ses fonctions... Mais regardons au delà du politique, la réalité des logiques qui soutendent cette "émotion". Il y a un an, j'évoquais la rupture du pacte social au moment des événements de Clichy. Ce pacte n'a jamais été reconclu. La soumission n'entraine pas l'adhésion, et il n'y a pas d'adhésion sans intérêt objectif à adhérer. Quel intérêt avons nous à adhérer à ce modèle social? Quel intérêt avons nous à négocier notre liberté au profit d'un sécuritarisme violent, qui nous agresse d'une tension, qui parfois explose, clive la société et finit en règlement de compte? Nous n'en sommes plus à la dénonciation morale d'une "racaille". C'est tout un modèle de société qu'il faut réformer. Une société qui présente la police comme forme de réussite sociale est inacceptable, car elle induit la mise à mort de l'esprit critique, l'éloge de la médiocrité, et la soumission comme sociabilité.