19 février, 2007

Démocratie d'opinion: fin de l'idée et triomphe du pathos


Roger Hanin, Don Gyneco ou Enrico Macias, les vip prennent position durant cette campagne présidentielle. Si je ne cite ici que des "soutiens" de Nicolas Sarkoczy, c'est que leur prise de position ont pour le moins surpris cette chose étrange que l'on nomme "opinion publique". Or l'opinion n'est-ce pas finalement là le problème. Ce matin j'écoutais le journal de la télé sur Europe 1 et les chroniqueurs analyser les discours des soutiens de Sarko et de Ségo et arriver au triste constat du vide que soutendaient leurs arguments. Cette campagne serait alors une campagne de l'affectif et de l'opinion, comme d'ailleurs l'envisage ouvertement Ségo avec sa démarche "participative".

Quid alors des idées dès lors qu'il s'agit de séduir? L'idée s'élabore, s'énonce et se construit de façon critique, par soi et par la confrontation avec l'autre. L'opinion n'est qu'affaire d'égo, d'où les différents clashs qui ont animés notre paysage politico-télévisuel ces derniers temps. Critiquer une idée c'est s'attaquer à un raisonnement. Critiquer une opinion c'est s'attaquer à un ressenti, or l'émotion est devenu sacrée et la peine due à sa mise en cause devient sacrilège si ce n'est déjà illégale... Le fait que ce soit les vip et non les intellectuels qui aujourd'hui s'engagent dans la campagne est tout à fait significatif de la prise de pas de l'opinion sur l'idée. On pourra bien entendu me citer Glucksman comme soutien de Sarko, mais Glucksman ne fait-il pas que suivre sa progression personnelle et celle aussi de sa philosophie vers une défense de l'émotion et une certaine forme non seulement de sacralité du ressenti, mais aussi du devoir que l'émotion crérait à l'égard de la société dans laquelle elle est formulée?

Bref, la démocratie d'opinion qu'elle soit pratiquée par les vip ou par n'importe qui dans les débats participatifs est à mes yeux une progression regrétable. Le journaliste se trouve relégué à la position de présentateur et les opinions finissent par s'énoncer pour s'énoncer, l'important n'étant même pas que l'opinion aboutisse à la conviction de l'autre, mais simplement qu'elle soit énoncée. Les opinions glissent les unes sur les autres et lorsqu'elles se rencontrent elles ne peuvent que brutalement se confronter, contrairement aux idées qui se transforment, s'élaborent et se recherchent. On comprend alors d'autant mieux la mise à l'écart d'Alain Duhamel pour avoir présenté une idée dans un cadre fait pour celà, en l'occurence Sciences po. L'idée en soi est dangereuse par ce qu'elle dénonce l'opinion. Et peut-on encore voir autre chose que de l'opinion dans les protestations de ceux qui sont vexés contre la critique de leur religion? Une démocratie d'opinion est une démocratie de petits tyrans capricieux et égocentriques, et s'il faut être démocrate, ce n'est pas cette démocratie là que je veux. Où sont les élèves de l'école d'Athènes?

Aucun commentaire: