17 février, 2007

Le Coran, le plaisir et moi

Je me souviens de mon année de maîtrise et des conseils de Nicole Lemaître qui nous disait qu'un bon historien de l'époque moderne doit toujours avoir une Bible auprès de lui. Il y en a effectivement une dans la petite étagère posée sur mon bureau. Est-ce à dire que je suis un bon historien? Je me permettrais du moins d'ajouter, qu'un historien de l'Orient moderne doit aussi savoir se plonger de temps en temps dans le Coran. Jade semblait assez surprise de voir le mien posé sur les quelques cartons d'archives qui me servent de table de chevet. Alors voilà, je viens de m'y ploger et de lire le verset suivant:

"Vous est rendu licite, durant une nuit de jeûne, le rapport avec vos femmes. Ne sont-elles pas votre vêture, et vous la leur? Dieu sait bien que vous vous fraudiez vous-mêmes. Il s'est repenti en votre faveur. Il a passé sur votre faute. Donc, désormais, ayez commerce avec elle. Désirez à la mesure de ce que Dieu vous assigne... " (Sourat II, verset 187)

il est assez intéressant de voir comment la "faute" finalement trouve sa place au sein même de la religion et est admise dans la vie des hommes. En effet, il ne semble ici ne pas tant s'agir de l'empêcher que de l'encadrer et donc d'ouvrir un espace et un temps de liberté et de permissivité. La nuit devient l'espace-temps antrhopologique de ce possible. La nuit dissimule, camouffle et permet le plaisir au même titre que le rêve. Tout ce qui s'y produit devient de l'ordre du possible, le plaisir n'en est pas exempt. Par ailleurs, le verset va plus loin, la faute se transforme en commerce et ce commerce se déculpabilise justement parce qu'il s'abstrait du monde révéler et prend sens et légitimité dans le monde dissimulé. Or, ici, Allah est aussi celui qui crée et qui permet autant le monde révélé que lon monde dissimulé, lequel constitue donc un contre-monde nécessaire.

Le remarque de Michel Onfray sur le fait qu'il n'y ait pas d'érotique chrétienne parce que le christianisme est une religion du verbe et non de la matière est intéressant. Inversement, les nombreux traveaux de Malek Chebel révèle une anthropologie du plaisir au sein de l'Islam. Si la démarche de Chebel s'inscrit en faux d'un intégrisme ascète, l'association de l'Islam et du plaisir n'est pas neuve. On connait avec Antoine Galand les Mille et nuits mais j'aimerais relever ici une nouvelle de Vienne publiée dans la Gazette d'Amsterdam du 29 août 1783:

"On mande en Bosnie, que trois Femmes avaient été assez heureuses pour se sauver de la Ville de Busim avec deux Filles & un Fils & de se retirer en Hongrie. A leur arrivée, elles déclarèrent que la crainte d’être envoyées par leurs Maris plus loin & dans le cœur de la Turquie les avait décidé à s’enfuir ; qu’étant descendues de Parens Chrétiens, elles désiraient embrasser cette St-Religion ; enfin qu’elles ne doutaient point, que plusieurs autres Femmes, des Hommes mêmes, ne prissent le même parti, lorsque les Hostilités commenceraient. Ces six Personnes, envoyées d’abord à Kostainicza y ont été instruites et baptisées. C’est un cas fort extraordinaire, car aucune Nation ne garde avec tant de soin les Femmes, que les Turcs, c’est ce qui le Prophète Mahomet leur ordonne expressement dans le Koran, par ces mots : O Vrais Croyans, gardez vos Femmes avec soin."

Bien entendu, il y aurait beaucoup de chose à écrire sur les logiques migratoires qui échappent ici au rédacteur de la gazette. Il n'en est pas moins interessant que la condition féminine soit considérée comme meilleure dans l'Empire ottoman que dans la très chatolique Maison d'Autriche, et celà par un Autrichien...

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