18 janvier, 2007

Sortir un jour de la Seconde Guerre mondiale

Cet après-midi, à 18h, Jacques Chirac et Dominique de Villepin rendront hommage aux "justes" de la Première Guerre mondiale, qui ont protégé sans autre intérêt que leur éthique et leur sentiment du devoir les juifs menacés par la déportation. Certes ici je trace les traits un peu trop simplement et il serait sans doute plus "juste" de voir dans nos justes des "Monsieur Batignole" ce qui d'une certaine mesure les rendrait bien plus humains que les demi-dieux que la mémoire politique veut nous présenter. Certes le regard de l'historien est souvent décalé lorsqu'il se pose sur ce genre d'évènements, il peut paraître provocateur, hérétique voir négationiste... En même tempsn il ne sert à rien de n'avoir qu'entre nous et entre les murs de la Sorbonne les reflexions qui suivent. Je m'abstiendrai donc de distribuer les bons points de moralité, cela n'est pas mon rôle.

Il est intéressant de se demander quand allons nous enfin sortir de la Seconde Guerre mondiale, quand allons nous cesser de nous commémorer, de régler nos comptes, de reconstruire l'histoire et de nous servir du passé pour gouverner au présent. Il ne faut pas nous y tromper, le XXe siècle ne fut pas pire qu'un autre, et il y eu des justes partout et dans toutes les époques, et ce n'est pas anodin de célébrer les justes de 39-45 plutot que ceux de la Saint-Barthélémy... Histoire, mémoire et politique, les lecteurs de ce blog savent à quel point cette trinité m'agace peut être encore plus qu'une autre... Ayons du moins conscience de ce qui est, que la mémoire est un acte de gouvernement et qu'elle n'a rien à voir avec cette science que l'on appelle histoire... Distribuons les médailles, rédigeons des discours, frappons notre Ethos collectifs de pathoï divers... mais un jour de grâce, sortons de la Seconde Guerre mondiale... nous travaillerons ensuite à sortir du XIXe siècle...

Je suis d'une génération qui n'a pas connu de guerre, et je comprend qu'au regard de tous cela me confère très peu le droit d'en parler... Peut importe, en bon hegelien je considére que l'expérience pollue la pensée et que seul les idées importent. Tout cela pour dire que ma génération n'est en rien redevable ou responsable de ce qu'il s'est passé pendant la Seconde Guerre mondiale, je réfute tout sentiment de responsabilité ou toute gloire, je revendique le droit d'en avoir moralement rien à faire et refuse le concept même de devoir de mémoire. Pour moi, seul importe le devoir d'histoire, c'est à dire celui de comprendre et d'expliquer.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Bien dit Mr Papageno!

Anonyme a dit…

Précise ta pensée: est-ce à dire qu'il faut laisser tomber les études historiques sur la seconde guerre (je caricature volontairement), ou plus exactement arrêter de faire une fixation sur ce fameux "passé qui ne passe pas" et l'analyser en simple historien et non pas en mémorialiste qui, consciement ou non, continue à culpabiliser ? C'est cette seconde position qui me paraît transparaître dans ta note, mais je puis lourdement me tromper, étant moi même intéressé par le sujet: tu le sais, je brûle de continuer mon travail sur le syndrome de 1940, donc justement d'étudier la place de la mémoire de la défaite dans les mentalités françaises. Et la fameuse "trinité" que tu évoque est plus ardue à écarter dans de telles études comme j'ai pu m'en rendre compte.
Ah, ces modernistes, quand ils ne pourfendent pas l'histoire contemporaine, ils se mettent à assiéger des forteresses. Mais prend garde à éviter une nouvelle "journée des harengs" mon cher ! :-)
Tu avais en tout cas raison: pourrir les blogs des autres, c'est autrement plus jouissif que d'en créer un, mais après cela, je doute que tu veuilles me passer les derniers td de médievale...

D. a dit…

Pas de souci, tu as raison de me faire préciser ma pensée que du reste tu as tres bien compris... C'est finalement ce que fait la différence entre les contemporaneistes ou les historiens du temps présent et les journalistes que d'opérer cette démarche... Mais dis nous en un peu plus sur ton fameux symdrome.