Alors que l'élection présidentielle est jouée en France, l'AKP essaie toujours de savoir comment elle va bien pouvoir s'emparer de la présidence de la République turque. Après la manifestation considérable des laïcs d'Istanbul pour refuser la concentration des pouvoirs dans les mains des islamistes modérés au gouvernement et la victoire des partis d'opposition qui ont obtenu de la Cour suprême la convocation d'élections législatives anticipées, jeudi dernier, le Parlement, au sein duquel l'AKP jouit de la majorité, vient de couper l'herbe sous le pied de ses derniers en approuvant l'élection du président au suffrage universel direct et non plus par les parlementaires, ce qui rendrait inutile la convocation des législatives anticipées. Cette réforme peut paraître modernisatrice, hors les islamistes modérés de l'AKP bénéficient de la faveur de la majorité de l'opinion publique turque et s'assurent d'avance, par cette mesure opportune, la victoire à l'élection présidentielle. Pour que la réforme soit effective, il faut qu'elle soit ratifiée par l'actuelle président de la Turquie, Ahmet Necdet Sezer, opposant farouche au gouvernement de son Premier Ministre, Erdogan. Aujourd'hui, un million de personnes manifestaient encore à Izmir pour conserver l'héritage d'Attatuk.
Ce qui se passe en Turquie est d'un point de vue politique passionnant. La constitution fixe les règles du jeu et les partis essaient, dans ce cadre, d'établir un rapport de force entre deux visions de la société. L'armée qui a l'habitude d'intervenir dans de telles situations, a été mise sur la touche par les laïcs, qu'elle avait pourtant l'habitude de soutenir. Ce conflit, qui inquiète beaucoup ceux qui ne voient la Turquie qu'à travers les yeux du préjugé, est, aux miens, le signe d'une grande vitalité politique à la fois institutionnel (le recours à la Cour Suprême) et infrapolitique (manifestations de masse) et un gage évident de démocratie. Bien malin est celui qui sait comment tout cela va finir, si le Président va céder aux pressions de l'AKP et ratifier l'amendement, si les législatifs vont avoir lieu et qui va l'emporté, et de quel bord sera finalement le prochain président. Mais plutot que de craindre la Turquie, l'Europe devrait devant tout cela lui tendre la main et soutenir cette vitalité laïque, démocratique et pacifique qui parfois doit lui sembler bien lointaine dans son histoire.
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2 commentaires:
D'accord avec toi mon cher, je rajoute que c'est même une bouffée d'air frais (façon de parler) d'avoir des nouvelles de pays comme la Turquie ou même - sans faire la comparaison trait pout trait - de l'Irlande du nord (pas un pays certes) qui réussissent à trouver des moyens pacifiques pour se sortir d'impasses diverses, des pays que nous critiquons vertement alors qu'ils nous donnent de belles leçons pendant que nous sommes obnubilés par le Yacht de M. le Président...
Quant à la Turquie, comme je l'avais souligné dans un précédent commentaire, mon souci premier était l'attitude de l'armée : c'est déjà une grande victoire qu'elle ne s'implique pas. Pour le reste, les manoeuvres politiques de l'AKP prouvent au moins que ces "méchants-islamistes-barbus" ont parfaitement intégrés les possibilités qu'offre la démocratie : comme tu le dis "Cette réforme peut paraître modernisatrice, hors les islamistes modérés de l'AKP bénéficient de la faveur de la majorité de l'opinion publique turque et s'assurent d'avance, par cette mesure opportune, la victoire à l'élection présidentielle". Eh oui, on en revient au problème inhérent à la démocratie depuis quelques éons : laisser voter le peuple, c'est à la fois une avancée démocratique et un risque dans toute démocratie... Mais comme partout, si cela arrive et qu'un président membre de l'akp est élu démocratiquement à une bonne majorité, quelle critique pourra t-on formuler ?
Au moins al 'époque ottomane c'était bien plus simple... on zigouillait l'opposant et il n'y avait pas de contestation possible, ce qui n'a d'ailleurs jamais préjugé d'un gouvernement juste pour tous...
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