06 mai, 2007

Victoire de l'infrapolitique en Turquie: un exemple à suivre


Je viens de lire dans le New-York Times la bonne nouvelle d'Ankara: le ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül, soutenu par le gouvernement et la majorité islamiste modérée du Parlement vient de retirer sa candidature à la présidence de la République sur la pression des Stanbouliotes et des partis laïcs et démocratiques. Voici donc une nouvelle victoire de l'infrapolitique en Europe. Infrapolitique? Oui, oui, j'assume le barbarisme. On appelle infrajudicaires les pratiques qui permettent de régler un conflit sans avoir besoin de médiation judiciaire, ce qui peut aller de la vendetta au compromis financier. Alors, j'appelle ici infrapolitique, les pratiques qui permettent la régulation d'un conflit sans avoir besoin de passer par le rapport de force électoral ou physique. L'infrapolitique est, me semble t'il, l'une des marques de la modernité politique.

Il y a peu, l'Ukraine et la Géorgie avaient déja renversé des leur président par une simple désobaissance civique. En remontant un peu plus loin la révolution tchécoslovaque du "Printemps de velours" avait marqué les commentateurs et était non sans rappeler le printemps de Prague de 1968, lequel avait toutefois été un échec, comme avant lui la révolte de Budapest en 1956. Il semble alors que nos régimes ont acquis une certaine maturité dans ce domaine, qui implique la prise de conscience d'un peuple qu'il est seul à disposer de sa liberté et des gourvernements d'une certaine responsabilité civique qui fait laisser les chars dans les casernes et les armes dans leurs placards. Pour en revenir à la Turquie, tout a commencé par un boycott de l'élection présidentielle (le président turc est élu par le parlement) par les partis d'opposition à l'AKP, puis la descente dans les rues d'Istanbul d'1,2 million de personnes, la Cour Suprême saisie de l'affaire et l'annulation par elle du procession électoral pour convoquer des législatives anticipées. L'amrée qui s'était "émue" a été renvoyé chez elle par les parti laïcs et aujourd'hui enfin, Erdogan et l'AKP font marche arrière.

Je sais que je ne fais pas l'unanimité sur la Turquie et que ma turquophilie ne me rend pas crédible aux yeux de beaucoup, mais je trouve exemplaire la façon dont les Turcs viennent de gérer leur crise politique depuis deux semaines. Il semble que non seulement nous sommes sorti d'une période ou l'armée devait intervenir pour rétablir la démocratie, mais aussi que nous sommes entré dans une démocratie moderne, dans laquelle l'infrapolitique joue un rôle de premier plan, ce qui donc suppose la politisation des citoyens et la prise de conscience par le gouvernement de sa responsabilité. Alors que l'on craint, en France, des émeutes pour ce soir ou pour les jours à venir, arrêtons d'être orgueilleux et regardons ce que vient de faire la Turquie. Que ceux qui protestent le fassent avec la même intelligence, et que ceux qui gouvernement prennent conscience que, comme le dit avec raison le candidat Sarkozy, "l'élection ne lave pas", c'est à dire qu'elle ne permet pas tout, et en premier lieu de rendre des comptes.

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