26 novembre, 2006

Sophie, Diderot, et moi...

Cette lettre de Denis Diderot à Sophie Volland datée du 7 juin 1759 suit la publication de la Lettre à M. d'Alembert de JeanJacques Rousseau... Ce pièce est peut être l'une des plus belles et des plus justes sur l'amour que les Lumières nous ont léguées...

à Anne et à son Aurélie...


" Voilà, ma tendre et solide amie, l'ouvrage du grand sophiste - Rousseau. Je ne l'ai pas lu, je ne m'en sens pas encore l'âme assez tanquille pour en juger sans partialité. Il vaut mieux différer une action que de hâtter de commettre une injustice. Méfiez-vous aussi de votre coeur, et craignez que le mécontentement de la personne n'aille jusqu'à l'hauteur. Ecoutez-le comme si je n'avais pas à me plaindre de lui.
On peut donc ête éloquent et sensible, sans avoir ni principes d'honneur, ni véritable amitié, ni vertu, ni véracité! cela me fâche bien. Si cet homme n'a pas un système de dépravation tout arrangé dans sa tête, que je le plains; et s'il s'est fait des notions de justice et d'injustice qui le reconcilient avec la noirceur de ses procédés, que je le plains encore! Dans l'édifice moral tout est lié. Il est difficile qu'un homme écrive sans cesse des paradoxes, et qu'il soit simple dans ses moeurs.
Regardez en vous-même, ma Sophie; et dites-moi pourquoi vous etes si sincère, si franche, si vrai dans vos discours? C'est que ces mêmes qualités sont la base de votre caractère et la règle de votre conduite. Ce serait un phénomène bien étrange qu'un homme pensant et disant toujours mal, et se conduisant toujours bien. Le dérangement de la tête influe sur le coeur, et le dérangement du coeur sur la tête. Faisons en sorte, mon amie, que votre vie soit sans mensonge. Plus je vous estimerai, plus vous me serez chère. Plus je vous montrerai de vertus, plus vous m'aimerez. Combien je redouterai le vice, quand je n'aurai pour juge que ma Sophie. J'ai élevé dans son coeur une statue que je ne voudrais jamais briser. Quelle douleur pour elle, si je m'en rendais coupable d'une action qui m'avilît à ses yeux! N'est-il pas vrai que vous m'aimerez mieux mort que méchant? Aimez-moi donc toujours, afin que je craigne toujours le vice. Continuez de me soutenir dans le chemin de la bonté. Qu'il est doux d'ouvrir ses bras, quand c'est pour y recevoir et pour y serrer un homme de bien. C'est cette idée qui consacre les caresses; qu'est-ce que les caresses des deux amants, lorsqu'elles ne peuvent être l'expression du cas infini qu'ils font d'eux-mêmes? qu'il y a de petitesse et de misère dans les transports des amants ordinaires! qu'il y a de charme, d'élévation et d'énergie dans nos embrassements! Venez, ma Sophie; venez. Je sens mon coeur échauffé. Cet attendrissement qui nous embellit, va paraître sur ce visage. Il y est; ah que n'etes vous à coté de moi pour en jouir. Si vous me voyiez dans ce moment que vous seriez heureuse! que ces yeux qui se mouillent, que ces regards, que toute cette physionomie serait à votre gré. Et pourquoi s'opiniâtrent-ils à troubler deux êtres, dont le ciel se plaisait à contempler le bonheur? Ils ne savent pas tout le mal qu'ils font, il faut leur pardonner."

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Dans ces quelques mots je retrouve mon Papageno…

« Contre toute attente, son hôte s'avéra être un causeur parfait, relançant sans cesse la conversation et picorant çà et là mille sujets futiles et plaisants. Il était passionné d'histoire de France [... ] Elle lançait un thème ou une époque et il lui apprenait une foule de détails piquants. Les costumes, les intrigues de la Cour, le montant de la gabelle ou la généalogie des Capétiens. C'était très amusant.
Elle avait l'impression d'être sur le site internet d'Alain Decaux.
Un clic, un résumé. »

Ensemble c’est tout de Anna Gavalda