16 mai, 2007

Guy Moquet et Nicolas Sarkozy: mais quel est l'ennemi?

Nicolas Sarkozy a tenu aujourd'hui à ce que soit lue la lettre d'adieu de Guy Moquet, jeune résistant communiste, fusillé le 22 octobre 1941 à l'âge de 17 ans. Cette lettre devra être lue dans les lycées à l'occasion de chaque rentrée scolaire. Voici sont contenu:

"Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,

"Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c'est d'être courageuse. Je le suis et je veux l'être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j'aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon cœur, c'est que ma mort serve à quelque chose. Je n'ai pas eu le temps d'embrasser Jean. J'ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable, je ne peux le faire hélas ! J'espère que toutes mes affaires te seront renvoyées elles pourront servir à Serge, qui je l'escompte sera fier de les porter un jour. A toi petit papa, si je t'ai fait ainsi qu'à ma petite maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j'ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m'as tracée.

"Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j'aime beaucoup. Qu'il étudie bien pour être plus tard un homme.

"17 ans et demi, ma vie a été courte, je n'ai aucun regret, si ce n'est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels. Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c'est d'être courageuse et de surmonter ta peine.

"Je ne peux en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi maman, Serge, papa, en vous embrassant de tout mon cœur d'enfant. Courage !

"Votre Guy qui vous aime.

"Guy

"Dernières pensées : vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !"

***

On ne peut recevoir qu'à coeur ouvert les mots de ce jeune homme, qui avant d'aujourd'hui, pour beaucoup, n'était peut être qu'une station du métro parisien. Or la mémoire est sellective, et celle de la Nation l'est autant que les mémoires particulières. La lecture de cette lettre s'inscrit dans la suite de la célébration de la victoire le 6 mai sur l'ancienne place de la Révolution, sur la célébration de la mémoire de De Gaule et de Clemenceau. Toutes ces références sont celles d'une France en guerre, elles évoquent le sacrifice, le sueur, le sang et les larmes. Nicolas Sarkozy veut-il nous mobiliser pour un combat? Quel est l'ennemi? Peut-être que toutes ces réfences ne sont utilisées que par stratégie d'efficacité mémorielle, et que leur références communes à un contexte de guerre est anodin. Peut-être, mais au regard du programme et des ambitions (légitimes ou non, là n'est pas la question) du nouveau président on peut aussi s'interroger sur la vilonce des réformes qui arrivent. Et s'il s'agit de préparer et de mobiliser les consciences, il me semble que l'utilisation de cette mémoire est bien dangereuse.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Tout ça illustre à merveille la démagogie de qualité de Sarkozy. Je sais pas pourquoi mais il me rappelle Omar Bongo, le président gabonais élu pour un mandat de 50 ans. Il a réussit à enterrer vivant Bayrou et son Modem sans qu'il bouge le petit doigt, et là il embrouille tout le PS avec le débauchage des plus centristes. Utiliser l'histoire et réduire à néant toute opposition crédible, ça c'est rendre son action dogmatique. Que fait tu FB, réveille toi !

D. a dit…

Je ne sais pas si on en est deja à Bongo... Et pour l'info, le Modem ne dort pas, des réunions sont prévues et entre autre un meeting au Zenith le 24 (à confirmer).

Par contre il n'utilise pas l'histoire, mais la mémoire. L'histoire est encore une science indépendante pour l'instant, et ne t'en fais pas, nous veillons et continuons à dire qu'il n'y a pas de devoir de mémoire.

D. a dit…

Au fait, je crois que Naéma attend une réponse à propos d'un ancien com...

Anonyme a dit…

"un ancien com..." what's it ?

D. a dit…

commentaire

Anonyme a dit…

J'ai aussi été très étonné du vocable et des références guerrières de cette passation de pouvoirs : le discours offensif juste après avoir applaudi chirac, l'hommage au soldat inconnu, à clémenceau, à de gaulle, aux jeunes résistants, à guy Moquet. La marseillaise, le chant des partisans. Qui parlent de sang, de guerre, de larme, d'armes et de mort. Un beau chant? Un chant militaire, ouais...

Anonyme a dit…

Pour info, le chant des partisans est chanté dans presque pour toutes les cérémonies qu'elles soient de portée nationale, régionale ou seulement communale lors des commémorations ayant pour objet la résistance, la libération et d'une manière générale la seconde guerre mondiale. S'interroger sur des paroles guerrières d'un chant qui exhorte à la résistance, au combat et à la défense d'une nation est quelque peu troublant, maintenant si vous préférez entendre sa mélodie sifflée c'est un choix et une référence à l'histoire (non ?). Préférer le chant des marais en est un autre mais combien tout aussi dur.
Au regard du dernier commentaire je crois que si, il y a un devoir de mémoire complété par un devoir d'histoire, ce dernier qui te tiens certainement beaucoup plus à cœur, mon petit Caliméro. Néanmoins je pense que l'un ne va pas sans l'autre.
Ce chant, et par extension la Marseillaise, donne le ton, le rythme et la voix de ceux qui n'ont pas pliés. Vous les trouvez inappropriés dans une cérémonie au souvenir, cette brève remise en avant, ce salut de la nation à tous ces hommes connus ou plus souvent inconnus du grand public ? Vous êtes assis sur une liberté que d'autres ont défendue pour vous, ne croyez vous pas que vous leur devez quelque chose ?

"Quand la mémoire faiblit, quand elle commence, comme une fragile falaise rongée par la mer et le temps, à s'effondrer par pans entiers dans les profondeurs de l'oubli, c'est le moment de rassembler ce qui reste, ensuite il sera trop tard". Vercors

De A.E. enfin t’aura deviné.

D. a dit…

Je ne pense pas que les références mémorielles soient incongrues dans les cérémonies publiques, puisque ces cérémonies sont là pour celà, pour créer de la mémoire et faire du lien social. Tout le monde le fait, Sarkozy ou un autre cela ne me gène ni plus ni moins. Je pose juste la question d'un sens ou non qu'aurait des références rapprcoher à un contexte de guerre, car en effet, il n'y en a peut être aucun et ces références peuvent être utilisées parce que mobilisante et pas nécessairement pour la similitude des contextes dans lesquels elles prennent sens.

En ce qui est du dévoir de mémoire, cela ne me concerne pas, et je n'envisage pas ma citoyenneté par rapport à une mémoire qu'elle soit nationale ou particulière. La mémoire nationale d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a dix ans, elle évolue à chaque instant et - là encore - a pour but de créer du lien social.

Ma profession fait que le passé est un objet d'étude et je refuse de revendiquer que l'histoire doit avoir des conséquences sociales. Je m'en contre fiche, et c'est le prix à payer pour notre liberté intellectuelle, celle de notre étude. Je ne suis pas un historien partisan, pour moi l'histoire ne doit pas être l'objet de lutte idéologique et je n'entérine pas ceux qui s'en servent ainsi. Nous avons assez affaire face au défi méthodologique que nous pose le post-modernisme.

Que nous acceptions ou non les références mémorielles utilisées à un moment donné, je pense que le plus important et d'avoir conscience de leur relativité, qu'elles sont constuites et révocabled, qu'elles ne disent pas la Véritié mais une vision du monde. Et comme l'écrivait Verlaine, tout le reste est de la littérature...

Bisou ma puce

Anonyme a dit…

Je ne pense pas qu’il y ait d’ennemi. Je pense simplement que Nicolas Sarkozy veut redorer le blason français, il est tellement devenu à la mode à l’heure actuelle de s’autocritiquer… Je pense que M. Sarkozy veut rendre à la France une place importante dans le Monde, et que les Français en soit fiers, fiers de leur pays.
Lorsque l’on regarde un match international de rugby, on voit les joueurs chanter leur hymne nationale (et pas que les Français) avec fierté et émotion. Je ne vois pas ce qu’il peut y avoir de mal là-dedans, si nous sommes fiers de ce que notre pays accompli en sport, pourquoi ne pas l’être également sur le plan économique ou historique, sans que cela ne soit interprété en nationalisme mal placé ou en intention de guerre quelconque ?
Une petite précision : le nouveau président de la République n’a pas été le seul à parler d’amour de la patrie durant sa campagne (cf. la Marseillaise ou les drapeaux tricolores chez chacun de nous)…

Ceci dit, il est vrai que lire cette lettre à chaque rentrée scolaire, ce n’est pas ce que je pouvais espérer de mieux… Si émouvante soit-elle, je n’aurais pas souhaité qu’elle devienne une espèce de culte du passé, d’une époque où l’on était fiers de sa patrie et prêt à mourir pour ses convictions…
Que ce soit avec des intentions cachées ou par simple envie de rendre un peu de fierté aux Français, je pense que la lecture « obligatoire » de cette lettre une fois dans l’année au moment où l’on attaque le programme de cette période (donc et seulement en classe de Terminales) aurait largement suffit…

D. a dit…

L'étude de la seconde guerre mondiale est passée en Première, donc pour des élèves à une maturité intellectuelle encore plus discutable.

Je ne stigmatise pas la démarche de Sarkozy dans l'affaire, à vrai dire, je les stigmatise toutes si je dois stigmatiser le nationalisme. Pour moi l'existence précède l'essence, et nous nous définissons pas ce que nous faisons et non parce que d'autres avant nous ont fait auxquels nous nous rallions par des filliations artificielles.

Par ailleurs, j'ai longuement exprimé ici mon point de vue sur cette notion d'identité nationale.

Anonyme a dit…

Ainsi, il ne s'agirait que de maturité intellectuelle ?
Ah, et à quel âge situes tu la maturité intellectuelle d'une personne ??
Voyons voir, on enseigne en SVT, la reproduction, la sexualité, les MST vers la classe de quatrième je crois... Ils ne sont pas trop jeune pour toi selon tes critères ?

Bizarre, pourtant je croyais, même j'étais presque certaine, que l'enseignement, était fait pour développer les connaissances de l'élève, transmettre un savoir.

Dans le programme de la classe de troisième au collège on est sensé enseigner - car il s'agit bien de la 3eme et non de la première ou de la terminale, même si après on "approfondit" -... la première guerre mondiale, le monde entre les deux guerres, les années folles, le nazisme, le fascisme, le communisme, la seconde guerre mondiale, la décolonisation..., nombreux sont les profs qui s'appuient pour le faire sur des documents visuels ou écrits pour expliquer, commenter la période (exemple type, de "Nuremberg à Nuremberg") ; bref, j'imagine que le programme dense que représente la seconde guerre mondiale, occulte une quantité impossible à quantifier de documents, correspondances, films etc... Je reconnais que c'était peut être un peu fort de café, d'imposer une lecture d'un document bien spécifique, mais voilà sur un programme aussi dense, il peut sembler bienvenue de mettre en avant l'histoire de France en particulier dans son propre pays. Maintenant je reconnais que c'est ma vision des choses.

De A.E.